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La renaissance du cinéma en salle

Photo: Josie Desmarais

En l’espace de quelques jours, deux salles de cinéma indépendantes ont fait leur apparition à Montréal. Après le retour des vinyles, il semblerait que ce soit au tour du septième art de connaître un vent de renouveau, selon les gestionnaires du Cinéma Moderne et du Cinéma du Musée.

C’est un pur hasard si les deux salles ont lancé leurs opérations à peu près en même temps, mais il s’agit sans aucun doute d’un signe qu’il y avait un besoin à combler, estiment Roxane Sayegh, Alexandre Domingue (du Cinéma Moderne) et Jean-François Lamarche (du Cinéma du Musée), réunis autour d’un café.

Tandis que le Cinéma Moderne a pignon sur rue sur le boulevard Saint-Laurent, dans le Mile End, celui du Musée se trouve au cœur du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), en plein centre-ville. Cette salle est exploitée par l’équipe qui gère les cinémas du Parc et Beaubien.

«Je pense que tout le monde est d’accord pour dire qu’il manquait de salles à Montréal, avance Roxane Sayegh, cofondatrice du Cinéma Moderne. Il ne restait que le Parc, le Beaubien et la Cinémathèque dans les quartiers centraux. Quand l’Excentris a fermé en 2015, ça a laissé un grand vide.»

C’est d’ailleurs à partir de ce moment que la cinéphile, qui avait œuvré auparavant dans le milieu des festivals, a commencé à plancher sur le projet.

L’offre de films à Montréal dépasse le nombre d’écrans disponibles, résume Jean-François Lamarche, qui assure la programmation des cinémas Beaubien et du Parc en plus de celle du Musée. «On n’a pas le temps de leur donner une bonne vie. Parfois, on voudrait les laisser à l’affiche deux mois, mais on ne peut que leur donner trois semaines.»

En ce sens, le Cinéma du Musée permet d’accorder du répit aux écrans des deux autres lieux de diffusion. «La programmation risque de ressembler un peu à celle qu’on a au Parc et au Beaubien», indique-t-il. Pour la petite histoire, c’est au MBAM que revient l’initiative d’ouvrir cette salle.

De son côté, le Moderne souhaite présenter le cinéma autrement. Pas de sorties commerciales ici, on travaille plutôt dans l’événementiel, question d’offrir en quelque sorte un festival de cinéma à l’année.

«On a envie d’essayer un modèle moins traditionnel, explique Roxane Sayegh. L’idée est d’avoir beaucoup de diversité. On veut présenter à la fois des nouveautés, des films inédits, des reprises de festivals, des rétrospectives, des courts métrages, du documentaire…»

«Les gens sont tannés des mégaplex, ils veulent revenir à un côté plus humain, plus convivial.» – Alexandre Domingue, 
cofondateur du Cinéma Moderne

Cette approche vient combler un besoin que les autres salles indépendantes ne pouvaient pas satisfaire. «On fait parfois de l’événementiel au Parc et au Beaubien, et ces séances sont toujours complètes, mais ça entre des fois en conflit avec notre programmation régulière, pour laquelle les distributeurs ont certaines exigences», explique Jean-François Lamarche.

Ce dernier s’enthousiasme à l’idée de pouvoir proposer au Cinéma Moderne certains films qu’il ne peut pas diffuser dans ses salles. «Il y a tellement de films qui ont du potentiel, des œuvres qu’on appelle des “films de festivals” dans l’industrie. Elles colleront parfaitement au mandat du Cinéma Moderne.»

Contrairement à une autre époque, il règne aujourd’hui un esprit de collaboration entre les salles indépendantes. «On n’a pas d’autre choix que de travailler ensemble, l’écosystème est tellement petit et fragile», avance Jean-François Lamarche.

Après tout, les trois collègues sont animés par la même vision : la meilleure façon de voir un film est en salle. «Dans la vie, on va tous voir des films dans chacune de nos salles», soutient Alexandre Domingue.

Il serait faux de penser que le public n’est plus au rendez-vous depuis l’arrivée des plateformes de visionnement en ligne comme Netflix, affirment les trois gestionnaires. «Il y a eu un effet de nouveauté de 2012 à 2014. À ce moment, j’aurais dit non à l’ouverture de nouvelles salles. Mais en ce moment, on le voit au Parc et au Beaubien, on vit nos meilleures années depuis 10 ans», assure Jean-François Lamarche.

Même qu’il y aurait encore de la place pour de nouvelles salles dans certains quartiers montréalais. «Une ville comme Amsterdam a 14 cinémas d’art et d’essai pour la moitié des habitants de Montréal! Ici, jusqu’à tout récemment, il n’y en avait que trois», observe-t-il.

L’idée de nouvelles salles fait rêver les trois cinéphiles. «Imagine s’il y avait de nouveau un cinéma à l’angle de Papineau et de Mont-Royal, il y en aurait du monde!» lance Jean-François Lamarche. «J’ai des amis qui me demandent : “Ouvrirais-tu un cinéma au coin de ma rue?”» lance Roxane Sayegh.

Dans ce cas, comment se fait-il que le Cinéma Moderne et le Cinéma du Musée soient les premières salles à ouvrir depuis des années? «C’est coûteux!» répondent les trois cinéphiles d’une même voix.

Financièrement, le Moderne tire son épingle du jeu en jonglant avec trois sources de revenus : la vente de billets, le café-bar et la location d’espaces à une boîte de post-production. «Si un des trois ne marche pas, on est fini. Ça reste précaire», indique Alexandre Domingue, qui souligne s’être endetté pour mener le projet à terme. Au Musée, un mécène a permis la rénovation de la salle.

Les trois comparses espèrent néanmoins que leurs projets feront boule de neige.

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