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Cinéma et télévision font enfin de la place aux acteurs corpulents, sans caricature

L'actrice américaine Melissa McCarthy. Photo: Mark Ralston/AFP

Ils étaient jusqu’ici relégués aux seconds rôles comiques, voire absents tout court des écrans, mais les acteurs corpulents se voient confier de plus en plus de personnages majeurs, à la télévision et au cinéma, signe d’un changement sociétal.

Adaptée du best-seller autobiographique de Lindy West, la série événement Shrill, lancée vendredi sur la plateforme Hulu, est le dernier exemple en date de l’ouverture des studios à d’autres morphologies que celles qui dominent la télévision depuis sa création.

Quelques actrices noires rondes avaient décroché il y a une dizaine d’années des rôles de premier plan à la télévision et au cinéma, comme les oscarisées Octavia Spencer et encore Mo’Nique, et l’icône du rap Queen Latifah.

Ces dernières années, Chrissy Metz a été remarquée dans la série This Is Us, de même que Danielle Macdonald dans le récent téléfilm de Netflix Dumplin, et, au cinéma, Rebel Wilson (Pitch Perfect) et surtout Melissa McCarthy (Spy ou S.O.S Fantômes) sont régulièrement en haut de l’affiche.

«Je pense que le public américain et probablement le public en général n’est pas habitué à voir des grosses à la télé», a déclaré au magazine Elle Aidy Bryant, l’héroïne de Shrill, qui fait aussi partie de l’équipe de l’émission Saturday Night Live.

«Nous assistons à un changement», reconnaît Rebecca Puhl, professeure et directrice adjointe du Centre de politique nutritionnelle et obésité de l’université de Connecticut. «Nous commençons à voir des personnes de forte corpulence dans des rôles principaux à la télévision et au cinéma».

Registres nouveaux
Outre leur importance, les personnages proposés se situent aussi désormais dans des registres nouveaux.

«Les acteurs et actrices obèses étaient jusqu’ici souvent engagés plutôt pour des rôles comiques», relève James Zervios, vice-président de l’organisation Obesity Action Coalition, dont l’une des missions est de lutter contre la discrimination liée au poids, le «weight bias».

«Très récemment, dit-il, nous avons commencé à voir des gens obèses, comme Chrissy Metz (nommée aux Emmys et aux Golden Globes), dans des rôles plus dramatiques».

James Zervios estime néanmoins que les hommes, à la différences des comédiennes, restent encore presque exclusivement cantonnés à la comédie.

Jusqu’ici, les études du centre de Rebecca Puhl avaient montré que les personnages corpulents étaient «souvent ridiculisés, dépeints dans des comportements caricaturaux, en train de se bâfrer». «Il avaient aussi moins d’interactions positives avec les autres«, ajoute-t-elle.

Ce constat était encore plus marqué pour les programmes jeunesse qui ont eux, en outre, beaucoup moins évolué que les séries et films adultes sur ce plan ces dernières années. «Les personnages corpulents y sont présentés de manière beaucoup plus négative, (…) comme agressifs, asociaux ou antipathiques«, souligne Rebecca Puhl.

Pas encore gagné
Un phénomène d’autant plus préjudiciable que, dit-elle, cette représentation tend à valider la discrimination dans la vie de tous les jours, ce que souligne souvent le mouvement anti-grossophobie.

Aujourd’hui, Melissa McCarthy est la seule comédienne américaine corpulente de premier plan à qui l’on propose des rôles dont le poids ou l’apparence physique ne sont quasiment pas évoqués durant le film.

Pour les autres, comme Chrissy Metz dans This Is Us ou Danielle Macdonald dans Dumplin, cela reste un aspect important, même s’il n’est pas dominant. «L’obésité est une partie majeure du rôle de Chrissy Metz, souligne James Zervios, mais c’est montré sous un jour respectueux et réaliste».

Dans Shrill, Annie (Aidy Bryant) est renvoyée dès la première scène à son obésité à coup de micro-agressions. Mais la série la montre dans sa complexité, s’affirmant pour ne plus être dépossédée d’elle-même, trop souvent vue comme un corps plutôt qu’un être.

«Sur bien des points, c’est une série vraiment traditionnelle», a affirmé Aidy Bryant, dans Elle. «C’est une fille avec un boulot, un patron, des mecs, des amis (…). Mais la personne qui est au centre fait qu’elle est différente. Ce point de vue est important».

«Je ne pense pas que le combat soit encore gagné«, prévient Rebecca Puhl. «La diversité des corps devrait être quelque chose de standard dans les médias, télévision et cinéma».

«Nous savons que deux tiers des Américains sont en surpoids ou obèses (71,5% selon le Centre de contrôle des maladies – CDC)», dit-elle, «donc ça paraît sensé de montrer ces gens à l’écran».

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