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L’appropriation culturelle vue par Serge Denoncourt

Le metteur en scène Serge Denoncourt Photo: Josie desmarais/Métro

L’appropriation culturelle a causé des émois au Québec l’été dernier dans la foulée de la présentation de la pièce SLAV. Un an plus tard, Métro en discute avec le metteur en scène québécois, Serge Denoncourt, qui a fait le tour du monde avec son spectacle musical Grubb portant sur la réalité des jeunes Roms en Serbie.

« Je ne peux pas prendre la parole, mais je peux ouvrir des portes »

Il y a 10 ans, Serge Denoncourt se rendait en Serbie pour faire un spectacle de musique avec un groupe de préadolescents d’un bidonville rom en banlieue de Belgrade. Il a ensuite invité des professionnels du Québec à venir former la troupe musicale en Serbie. Le spectacle Grubb, qui a découlé de sa collaboration, a rapidement fait le tour du monde.

Aujourd’hui, Grubb est devenu une école de musique autonome dirigée par la première cohorte du spectacle, dotée d’une direction complètement rom et autonome du metteur en scène québécois.

Si le but de départ de Serge Denoncourt était de créer une organisation autonome, il entretient encore des liens avec les gens de la communauté sur une base humaine. Pour l’homme de théâtre, « c’est une mission accomplie ».

Il estime que sa démarche représente le contraire de l’appropriation culturelle, qui selon lui part souvent de bonnes intentions, mais constitue un piège lorsqu’on pense porter la voix d’une communauté.

« Moi je ne suis pas habilité à faire un truc sur la réalité rom, je ne la connais pas. Tout ce que je peux faire c’est servir de mentor, de guide et de donner des outils aux jeunes pour qu’ils puissent s’exprimer de manière artistique, je ne peux pas prendre la parole, mais je peux ouvrir des portes ».

Souvent appelé à commenter l’actualité rom dans les médias du Québec, M.Denoncourt exprime son malaise sur ce réflexe de certains journalistes. Il préfère permettre aux gens de la communauté de s’exprimer.

« Merci à Robert Lepage »

Le metteur en scène a longtemps attendu avant de s’exprimer sur le sujet épineux de l’appropriation culturelle au Québec. Il estime aujourd’hui que le Québec est en retard sur la compréhension du sujet comparativement à ce qui se fait à l’international et au Canada anglais. Selon lui, la controverse de l’été dernier a permis au Québec de sortir de son confort.

« SLAV, c’est peut-être la meilleure chose qui soit arrivée au Québec depuis longtemps, parce que ça a créé des discussions et des conflits alors que l’art Québec était assez consensuel. Très très ironiquement, je dirais merci, Robert Lepage, car s’il n’avait pas fait ça, je ne suis pas certain qu’on en parlerait aujourd’hui. On serait peut-être dans notre petit confort de société blanche. Ça a créé des remous et tant mieux. »

« C’est à nous d’apprendre, ce n’est pas à eux de changer ».

L’ancien directeur de l’école Grubb croit que les Occidentaux ne doivent pas tomber dans « le piège du colonisateur » en imposant leur regard sur les cultures non occidentales. Citant une difficulté des non-Roms de ne pas juger la culture rom, il estime que ceux-ci doivent faire des efforts pour apprendre à connaître les réalités de ce peuple.

« C’est à nous d’apprendre, ce n’est pas à eux de changer » s’insurge-t-il. Pour lui, la grande histoire de son spectacle est l’échange culturel qui en découle.

Le Québécois a pris le temps de rencontrer chacun des parents des enfants de sa troupe et de comprendre la culture qu’il ne connaissait pas. Avant d’écrire le texte pour le spectacle de Grubb, le metteur en scène a pris un an pour développer des liens les jeunes de la troupe musicale qu’il a encadrée. Il a fini par écrire un script qui venait des propos des jeunes et non pas de ses impressions sur eux.

« Je leur ai fait écrire des chansons sur leurs propos, c’est un drôle de processus parce que c’est aider avec des compétences, mais sans prendre de position » explique-t-il.

« Il faut arriver à se dépasser de notre impression d’homme blanc occidental », conclut-il.

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