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Lucky Luke combat le racisme dans une nouvelle aventure

Lucky Luke combat le racisme dans une nouvelle aventure
«Un cow-boy dans le coton» est le troisième épisode de Lucky Luke signé du scénariste Jul et du dessinateur Achdé. Photo: Collaboration spéciale Dargaud

Lucky Luke, l’homme qui tire plus vite que son ombre, est confronté à un ennemi coriace dans sa nouvelle aventure: le racisme.

Et pour les spécialistes de l’histoire américaine, c’est plus ou moins réussi. Un cow-boy dans le coton, qui sort vendredi, est le troisième épisode de Lucky Luke signé du scénariste Jul et du dessinateur Achdé. S’il a été conçu bien avant la mort de George Floyd aux mains de la police à Minneapolis le 25 mai, le mouvement de protestation antiraciste Black Lives Matter le rend d’autant plus d’actualité.

«Les Noirs étaient quasiment absents de l’univers de Lucky Luke», remarque Jul dans le dossier de presse. Mais «la résonance avec des questions brûlantes aujourd’hui est fortuite».

Quelques années après l’abolition de l’esclavage (en 1865), Lucky Luke hérite d’une plantation de coton en Louisiane, un État où ce cow-boy découvre une société très différente de son Far West, avec une élite blanche raciste qui terrorise ses ouvriers agricoles noirs.

On croise une jeune femme noire révoltée appelée Angela – comme la militante Angela Davis – et le Ku Klux Klan. À quel point est-ce réaliste? Les avis d’universitaires français, spécialistes de la période, sont partagés.

Elodie Grossi, maître de conférences à l’Université Toulouse Jean-Jaurès, déplore «une image romantisée des plantations de Louisiane, semblables à de grandes demeures opulentes, sans montrer la violence routinière et les conditions de vie et d’habitation des esclaves ou anciens esclaves».

«Travail historique bien fait»

Le dessinateur Achdé dit en effet s’être modéré dans la représentation de la misère, telle qu’elle transparaissait sur les photos d’époque qu’il a consultées. «Je me suis même censuré tant certains clichés, d’enfants notamment, étaient insoutenables».

Nicolas Martin-Breteau, de l’université de Lille, lui donne raison: «C’est compréhensible. Très vite on voit que les travailleurs noirs sur les plantations vivent dans la pauvreté et la peur. Le travail historique me semble très bien fait».

Pour son confrère Michaël Roy, de l’université de Paris-Nanterre, une BD de 48 pages ne peut pas montrer toutes les nuances que traque un historien. «Les auteurs s’en tiennent donc à quelques représentations connues, à commencer par la plantation de coton, alors qu’en Louisiane c’est la canne à sucre qui prédomine».

«Caricatural» sur les Indiens

Certaines parties ont séduit ce chercheur. «La définition qui est donnée du KKK, une société secrète pour faire régner la terreur et maintenir la suprématie des blancs, est rigoureusement exacte». D’autres moins: «C’est toujours sur cette petite élite [de cultivateurs blancs] qu’on se concentre», or elle a presque disparu après l’abolition de l’esclavage puisque «certaines plantations ont été brûlées, d’autres vendues aux enchères par des propriétaires ruinés».

M. Martin-Breteau se dit «heureux que cet épisode paraisse. C’est important: à une époque où on débat de nos monuments, de savoir s’il faut les déboulonner ou les mettre en contexte, Lucky Luke est lui-même un monument, qui peut aider à la compréhension de l’histoire».

«Ce qui serait formidable maintenant, ce serait que la série change de regard sur les Indiens. Là, elle reste un peu caricaturale. On est dans une période de guerre, de déportation et de pure et simple extermination. Lucky Luke, personnellement il est gentil, mais il appartient à un groupe social, les cow-boys, qui a participé à cette guerre», remarque-t-il.

C’est un défaut que perçoit également Elodie Grossi, contestant «le portrait qui est donné des Américains du Nord ou de l’Ouest, présentés comme tous uniformément antiracistes». Pourtant «il serait faux de considérer que seuls les Etats du Sud faisaient acte de racisme», rappelle-t-elle.

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