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Sextape et masque contre la Covid: Bad Luck Banging and Looney Porn remporte l’Ours d’Or

Un cinéma sous influence de la pandémie à la Berlinale
Dans «Bad luck banging or loony porn», fiction tournée en pleine pandémie, le réalisateur Radu Jude intègre la contrainte des mesures sanitaires. Photo: Collaboration spéciale Silviu Ghetie / microFilm

Un Ours d’Or acerbe et foutraque qui tombe à pic en plein Covid : le Roumain Radu Jude a été couronné vendredi à Berlin pour Bad Luck Banging and Looney Porn, une charge, tournée avec masque, contre l’hypocrisie sociale.

Ce cinéaste de 43 ans succède à l’Iranien Mohammad Rasoulof, qui faisait partie avec cinq autres anciens lauréats du jury de cette édition exceptionnelle, réduite et en ligne en raison de la pandémie.
Le film, foisonnant et brut de décoffrage, dont le titre pourrait être traduit par «Baise malencontreuse et porno loufoque», s’ouvre par une séquence de plusieurs minutes de porno amateur.

La fuite de cette «sextape», tournée avec son compagnon par Emi (Katia Pascariu), qui enseigne l’histoire dans un lycée roumain, est l’occasion pour Radu Jude de dresser un portrait au vitriol de la société contemporaine, des militaires aux religieux en passant par les nouveaux riches et les parangons de vertu.

Ce cinéaste, l’un des plus en vue de la riche scène cinématographique d’Europe orientale, avait déjà remporté en 2015 l’Ours d’Argent du meilleur réalisateur à Berlin pour Aferim !, sur le racisme dont sont victimes les Roms en Roumanie.

«C’est un film aussi bien élaboré que sauvage, intelligent et enfantin, géométrique et vibrant, imprécis et qui attaque le spectateur : il ne laisse personne indifférent» tout en ébranlant «nos conventions sociales et cinématographiques», a salué l’un des membres du jury, le réalisateur israélien Nadav Lapid.

«Les spectateurs sont invités à faire une comparaison entre l’obscénité de cette vidéo porno et l’obscénité publique de la société, de l’hypocrisie, des traces de l’histoire qui restent jusqu’à nous», a expliqué au cours de la compétition à l’AFP Radu Jude.

«Il y a une comédie du désespoir, de la sexualité, de la condition humaine», « mais cela n’empêche pas bien sûr d’être furieux ou en colère contre certains aspects de notre société », a-t-il poursuivi.

Le film a aussi la particularité d’avoir été tourné en pleine pandémie et tous les acteurs apparaissent masqués. Une contrainte mise à profit par le réalisateur, qui s’amuse à faire porter à ses acteurs des masques ornés de slogans ou de smileys en total décalage avec leurs propos. «J’ai collecté tous les masques que j’ai trouvés et je les ai choisis pour les acteurs, comme un costume», a précisé Radu Jude.

Prix «non-genré» à une actrice

Grande nouveauté de l’année, le prix «non-genré» d’interprétation, qui remplace les traditionnels «Ours d’argent» du meilleur acteur et de la meilleure actrice, dans un souci affiché d’égalité, est allé à une actrice, l’Allemande Maren Eggert, pour son rôle de chercheuse tombant amoureuse d’un robot humanoïde dans la comédie I’m your Man.

Figurent également au palmarès le Japonais Ryusuke Hamaguchi (Wheel of Fortune and Fantasy, grand prix du jury), le Hongrois Dénes Nagy (Natural Light, meilleur réalisateur) ou le Sud-Coréen Hong Sangsoo (Introduction, meilleur scénario).

Les Français Xavier Beauvois (Albatros) et Céline Sciamma (Petite Maman) repartent bredouille.
Le festival de Berlin, l’un des plus importants en Europe, avait fait le choix de se maintenir malgré les contraintes sanitaires, optant pour une édition en ligne, de cinq jours au lieu de onze. Les organisateurs espèrent pouvoir se rattraper avec des projections ouvertes au public en juin.

Un choix qu’a toujours fermement refusé le prochain grand festival au calendrier, et le plus prestigieux, celui de Cannes, pour qui un tel évènement sans rencontres sur la Croisette et sans communion en salle obscure n’a pas de sens.

Contraints à l’annulation l’an dernier, ses organisateurs ont annoncé que l’édition 2021 se déroulerait du 6 au 17 juillet, au lieu du mois de mai. Mais en France, les salles de cinéma sont toujours fermées et les rassemblements toujours interdits, personne ne se risquant à parier sur une date de reprise des activités culturelles.

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