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«Comme une vague»: Comme un raz-de-marée musical

Marie-Julie Dallaire, réalisatrice du documentaire Comme une vague. Photo: Josie Desmarais/Métro

«Je ne m’attendais pas à pleurer autant», confie la réalisatrice Marie-Julie Dallaire en parlant de la création de son documentaire Comme une vague, œuvre cinématographique ultra sensorielle qui démontre superbement l’immense pouvoir de la musique.

«Je ne m’attendais pas à faire pleurer le public non plus», poursuit-elle en entrevue. Lors de la première du film le 19 mars dernier, au Festival du film sur l’art, des spectateurs ont dû changer leur masque imbibé de larmes.

Pourtant, celle qui œuvre depuis près de 30 ans en cinéma – elle a notamment fait partie de l’équipe de réalisation d’Arrival de Denis Villeneuve – se décrit comme une cinéaste pudique. «Je ne veux pas jouer avec les émotions. Malgré ça, on dirait qu’à cause du sujet, on est tout le temps à fleur de peau.»

Si son documentaire tire des larmes, c’est qu’il regorge de beauté, tant dans le fond que dans la forme. «L’idée était d’essayer de rendre un hommage à cette chose qui fait partie de nos vies, qui nous accompagne quotidiennement», résume-t-elle d’un ton enjoué.

En donnant la parole à une multitude d’intervenants aux bagages hyper diversifiés – musicothérapeute, ethnomusicologue, neuroscientifique, musiciens de tous horizons, réfugiés, etc. – Comme une vague dresse un état des lieux à la fois cérébral et émotif du pouvoir de la musique.

Ou, pour reprendre les mots du producteur exécutif du film Jean-Marc Vallée, «une savante et heureuse alchimie entre le rationnel et l’inexplicable». Pour la petite histoire, le réalisateur de Sharp Objects, Dallas Buyers Club et Wild s’est associé au film après avoir eu un coup de cœur en visionnant le projet de son amie.

«J’étais surpris d’éprouver parfois une énorme émotion sans avertissement. Le générique de fin s’est mis à défiler, j’étais dans un tel état que j’ai voulu partager le moment de grâce que je venais de vivre», raconte-t-il.

Des moments de grâce, les musiciens en éprouvent lorsqu’ils pratiquent leur art. Patrick Watson et Ezra Azmon confient à la caméra avoir l’impression qu’une une force quasi-divine s’exprime à travers leurs instruments. «Ça peut avoir l’air ésotérique hors contexte, mais ça ne l’est pas!» assure Marie-Julie Dallaire, qui se décrit comme une personne très terre-à-terre.

«La musique, c’est tellement gros, tellement immense, tellement fort… Quel autre sujet peut être aussi prenant?» -Marie-Julie Dallaire

Patrick Watson avait d’ailleurs parlé de ce pouvoir indescriptible de la musique en entrevue avec Métro à la sortie de son album Wave, fin 2019. «Elle est faite pour être une présence plus grande que nous. C’est ainsi que je la vois. Elle ne m’appartient pas. Je fournis un moment qu’on partage tous ensemble, mais ça ne vient pas de moi, ça vient de là», avait-il dit en regardant tout autour de lui.

Lors du processus de création de ce film, Marie-Julie Dallaire s’est elle-même sentie portée par son sujet. Lorsqu’elle a partagé cette impression à Patrick Watson, il lui a répondu : «C’est normal, c’est ça que la musique fait», raconte-t-elle en riant.

Tous unis par la musique

Ce projet documentaire a habité la cinéaste pendant cinq ans. Une importance particulière a été accordée à la recherche, menée avec la coscénariste Andrée Blais.

«On a mis beaucoup de temps dans l’élaboration du casting pour qu’il y ait une diversité de genre et de points de vue. Mais au final, tout le monde est d’accord sur la ligne directrice; ce n’est pas un film à controverse ou à débat!» lance la cinéaste en riant.

En effet, on se demande qui pourrait être contre la musique. Les recherches scientifiques présentées dans le documentaire confirment d’ailleurs que cette pratique artistique a toujours fait partie de l’histoire de l’humanité. «Même lorsque les humains passaient leur journée à assurer leur survie!» s’étonne la documentariste.

«Quand est-ce qu’on s’arrête pour se demander pourquoi la musique est omniprésente? Pourquoi la musique a toujours existé? J’ai eu envie de fouiller ça», détaille-t-elle.

Alors qu’on répète souvent que nos sociétés sont plus divisées et polarisées que jamais, Comme une vague émeut par sa puissante démonstration d’un pouvoir rassembleur.

Ron Davis Alvarez, fondateur du Dream Orchestra, orchestre suédois formé de jeunes musiciens réfugiés ayant pour la plupart fui la guerre, exprime d’ailleurs un souhait en ce sens dans le docu : «Moins de bombes, plus de musique!»

«En faisant un film sur le pouvoir de la musique, on a fait un film sur l’inclusion sociale», soutient la réalisatrice, qui porte à l’écran de touchantes histoires humaines liées à la musique, comme le parcours de deux jeunes réfugiés afghans du Dream Orchestra, le récit étonnant du violoniste de rue Ezra Azmon et la résilience des nouveau-nés soignés par la musicothérapeute Tiana Malone.

Filmer l’intangible

Comme une vague émeut et impressionne tout autant par son esthétique enveloppante. Marie-Julie Dallaire a soigneusement réfléchi à la mise en forme de cet ambitieux récit. Surtout, elle a trouvé une façon de filmer l’intangible.

«Souvent, lorsqu’on fait un film, le son et la musique viennent appuyer des moments dans l’histoire. Là, c’était l’inverse, il fallait que la bande-son soit au premier plan, comme un personnage principal, et que l’image la soutienne», explique-t-elle.

D’où le choix du noir et blanc, qui impose une certaine sobriété. Et aussi celui de toujours montrer des images en mouvements, sauf lors des entrevues. «Parce que la musique, c’est du mouvement perpétuel.»

Rien n’a été laissé au hasard dans cette œuvre réalisée avec minutie et sensibilité. Chaque image et chaque son du documentaire est lié aux propos d’un des intervenants. Si on filme des vagues, c’est parce qu’on suit le travail de l’écologiste sonore Gordon Hempton. Si on coupe du bois en forêt, c’est parce qu’on assiste à la fabrication d’un violon.

Ne serait-ce que pour cette grande attention portée à la qualité de l’image et du son, Comme une vague est une expérience qu’il faut vivre pleinement au grand écran. Au-delà de ses qualités esthétiques, Marie-Julie Dallaire ajoute qu’il faut aussi le voir en salles afin de vivre une expérience avec d’autres humains.

«L’expérience en salle est une expérience de partage, même si on ne parle pas aux autres spectateurs, dit-elle. C’est comme vivre un concert ensemble, ça crée une cohésion, on en parle d’ailleurs dans le film!»


Comme une vague

En salles dès vendredi

 

 

 

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