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La Cour suprême du Canada donne raison à Mike Ward

Mike Ward
Mike Ward Photo: Pablo Ortiz/Métro

La Cour suprême du Canada vient de mettre fin à une saga judiciaire vieille de 10 ans, celle qui opposait l’humoriste Mike Ward à Jérémy Gabriel après des moqueries dans des vidéos et un de ses sketchs. Les juges de la Cour ont donné raison à l’humoriste dans une décision partagée à 5 contre 4.

Les juges majoritaires ont tranché que les propos de l’humoriste n’ont pas porté atteinte au droit à la dignité de M. Gabriel. Ils visaient surtout sa notoriété.

Les propos [de Mike Ward] exploitent, à tort ou à raison, un malaise en vue de divertir, mais ils ne font guère plus que cela.

Extrait du jugement de la Cour suprême.

Les juges minoritaires font toutefois valoir l’opinion contraire. Ils estiment que les blagues de l’humoriste à l’égard du jeune homme, qui avait 13 ans à l’époque, étaient «des insultes péjoratives basées sur le handicap de ce dernier». «Ses blagues sur sa tentative de noyer Gabriel s’inspiraient de stéréotypes pernicieux voulant que les personnes handicapées soient des objets de pitié et des fardeaux pour la société dont on peut se débarrasser», poursuivent-ils.

De plus les blagues de M. Ward suivaient le jeune homme jusqu’à l’école où «d’autres enfants répétaient les insultes et exacerbaient la moquerie».

Mike Ward avait été condamné à payer les 35 000$ de dommages à Jérémy Gabriel et 7000 $ à sa mère, Sylvie Gabriel, par le Tribunal des droits de la personne en 2016. En 2019, la Cour d’appel du Québec a conclu que Mike Ward avait dépassé la « limite permise » avec ses blagues qualifiées de discriminatoires.

«On a gagné»

L’affaire très, suivie au Québec, a notamment cristallisé les débats entre la liberté d’expression pour les artistes, notamment les humoristes, et le droit à la dignité. 

Mike Ward a réagi peu de temps après l’annonce de la Cour sur son compte Twitter, en citant un tweet de l’humoriste canadien Norm Macdonald, décédé en septembre dernier. M. Macdonald lui avait affiché son soutien. «On l’a fait Norm, on a gagné», a-t-il écrit dans un tweet rédigé en anglais.

«Je pense que c’est une victoire pour la liberté d’expression, pour la liberté artistique et pour les Chartes», a affirmé son avocat, MJulius Grey.

Jérémy Gabriel déçu

Jeremy Gabriel s’est exprimé sur la décision de la Cour suprême lors d’une conférence de presse au côté du président de la Commission pour les droits de la personne et de la jeunesse et d’une avocate de la commission, Me Stéphanie Fournier. Me Fournier a notamment affirmé que «les juges majoritaires ont amené un nouveau cadre juridique» sur la question la discrimination en lien avec la liberté d’expression artistique. Une facette de celle-ci portée à la Cour suprême du Canada pour la première fois.

Jérémy Gabriel lors de la conférence de presse de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Le jeune homme a exprimé sa déception face au jugement. Il ajoute toutefois que l’affaire aura «ouvert un travail de réflexion sur l’impact de nos mots sur les autres […] et sur l’acceptation de la différence». Il tient à ce que le débat entre la liberté d’expression et le droit à la dignité subsiste même si son «combat vient de se terminer tristement».

«Je demeure optimiste, je vais prendre le temps d’encaisser la défaite. Même si c’est une défaite pour moi, ça ne veut pas dire que c’est une défaite pour d’autres personnes. […] Il ne faut jamais sous-estimer la valeur de nos combats et la force de nos convictions. Vous êtes tous à la hauteur des principes que vous défendez, vous en valez tous et toutes la peine», a-t-il ajouté.

Un combat difficile

Le jeune homme raconte, avec une voix tremblante, que les propos de M. Ward ont eu un impact «incommensurable» sur toute sa vie et représentent «la chose la plus difficile à surmonter».

[Le jugement], je l’accepte. Mais c’est difficile de traverser ça. C’est comme si ce que j’avais vécu en tant qu’enfant n’avait pas de valeur. À 13 ans d’avoir à vivre ça c’est épouvantable, d’avoir à la vivre une fois c’est une chose mais de se le faire répéter c’est un calvaire.[…] À l’âge de 13 ans, 14 ans, j’ai pensé me suicider. Qu’est-ce qu’on dirait dit si j’étais vraiment passer à l’acte?

Jérémy Gabriel

M. Gabriel ajoute qu’il sort de ce combat «un peu amoché» et qu’il aurait souhaité avoir une discussion avec l’humoriste à la suite de sa tentative de suicide. «J’aurais voulu lui dire toute la détresse que j’ai vécue».

À l’avenir, Jérémy Gabriel souhaite venir en aide aux personnes victimes de discrimination et partager son histoire dans une autobiographie. Une démarche de thérapie par l’écrit qui lui permettra de «s’aider» et d’aider les autres.

Interrogé sur l’impact de cette décision sur la scène de l’humour, le jeune homme s’avoue «un peu inquiet». Il s’interroge sur les limites de ce que peut dire un comédien à un enfant.

Avec la collaboration de Martin Nolibé.

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