Les homosexuels pas plus malades que les gauchers
Il aura fallu attendre plusieurs centaines d’années, mais la majorité des scientifiques s’entendent finalement pour dire que l’homosexualité ne doit plus être considérée comme une pathologie. Elle est aujourd’hui vue comme une caractéristique aussi naturelle que le fait d’être gaucher, par exemple. Un consensus se dégage désormais, mais la perception scientifique de l’homosexualité a grandement évolué au fil des siècles.
De pratiques normales…
Dans l’Antiquité, les pratiques homosexuelles étaient courantes, mais elles ne définissaient pas l’identité d’une personne, raconte l’auteur du livre Gay Warriors, Richard Burg. Selon certains historiens, les Grecs jugeaient que les relations «temporaires» entre un homme et un garçon étaient bénéfiques puisqu’elles avaient une fonction éducative.
… à gestes démonisés
Ces pratiques sont condamnées par la tradition judéo-chrétienne. Le livre Lévitique XX/13 ne peut être plus clair : «Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux.»
Pas juste des démons
Il faut attendre les années 1860 pour voir paraître les premiers traités scientifiques sur l’homosexualité. Le psychiatre autrichien Richard von Krafft-Ebing émet une nouvelle hypothèse : l’homosexualité n’est plus simplement une pratique sexuelle, elle devient un état identitaire. L’homosexualité est une maladie, explique-t-il dans Psychopathia Sexualis, publié en 1886.
Guérisons miraculeuses
Pendant près de 100 ans, divers groupes, s’appuyant sur les travaux de Krafft-Ebing, tenteront de guérir l’homosexualité. Pendant la Première Guerre mondiale, des chercheurs ont même transplanté des testicules d’hétérosexuels à des homosexuels. Tous les cas se seraient soldés par des succès… ce qui laisse croire à de la propagande.
Pas malades, immatures
Sigmund Freud croyait que les homosexuels avaient un développement incomplet, qu’ils étaient «immatures». Selon ces théories, toute personne naîtrait bisexuelle, et un individu normal évoluerait vers l’hétérosexualité. «Être gai n’était toutefois pas une chose que Freud considérait problématique», raconte le professeur de philosophie Todd Dufresne.
Nuances de gai
En réalisant une étude en 1948, Sexual Behaviour of the Human Male, le professeur Alfred Kinsey a découvert que les homosexuels étaient plus présents dans la société qu’on ne le croyait. Il a aussi indiqué que l’orientation sexuelle de chacun est nuancée. Il a créé une échelle graduée entre hétérosexualité (0) et homosexualité (6).
Une maladie mentale
Au début des années 1940, le psychiatre Sandor Rado a réitéré que l’homosexualité était une maladie guérissable. La Société américaine de psychologie l’a inscrite, en 1952, comme un trouble sociopathique de la personnalité dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), la bible des maladies psychiatriques.
Comme tout le monde
La psychologue Evelyn Hooker est venue brouiller les cartes en 1957 avec son étude L’ajustement de l’homme ouvertement homosexuel. Elle a étudié des homosexuels dans la société, une première. Hooker a découvert que les hommes gais étaient mentalement normaux et qu’il était difficile de devnier, dans un groupe d’hommes, qui était gai.
Ah non! Ils sont malades
Le psychanalyste Irving Bieber a eu beaucoup plus d’influence que Mme Hooker avec son étude de 1962. Il conclut que l’homosexualité est due à un père absent et à une mère trop présente qui «féminiserait» ses fils. Bieber, qui offrait des cures pour guérir cette «maladie», se vantait que ses traitements obtenaient un taux de réussite de 27 %.
Aujourd’hui
Il faudra attendre 1986 pour que les bonzes de la psychiatrie retirent l’homosexualité du DSM. Aujourd’hui, les chercheurs croient que l’homosexualité est un état naturel, soutient Thomas Schlich, professeur d’histoire médicale à l’Université McGill. L’homoparentalité ne pose pas non plus de problème.
D’où ça vient?
Ray Blanchard, professeur au Département de psychiatrie de l’Université de Toronto, explique que des recherches en cours tentent de comprendre d’où vient l’homosexualité. La transmission d’un gène, une réaction immunitaire du corps de la mère ou un dérèglement hormonal fœtal sont quelques-unes des hypothèses envisagées.