Maggie’s Plan: Géométrie émotionnelle
La cinéaste Rebecca Miller parle à Métro de Maggie’s Plan, sa première «vraie comédie», qui met en vedette un triangle amoureux formé de Greta Gerwig, Ethan Hawke et Julianne Moore.
On la connaissait surtout pour ses drames (Personal Velocity, The Ballad of Jack and Rose – qui mettait en vedette son mari, Daniel Day-Lewis), mais voilà que Rebecca Miller a eu envie, à la suite de son dernier film, The Private Lives of Pippa Lee, sorti en 2009, d’«inverser» la proportion de comédie et de drame dans son prochain projet. «Il y a toujours des touches d’humour dans mes films, et ce sont toujours des moments où j’ai beaucoup de plaisir», fait remarquer la réalisatrice. Rebecca Miller, qui est la fille du dramaturge Arthur Miller, est aussi écrivaine, et c’est en signant le roman à saveur comique Jacob’s Folly qu’elle s’est rendu compte que ce ton lui plaisait beaucoup : «J’avais donc envie que mon prochain projet cinématographique soit teinté d’humour lui aussi.»
Ledit projet lui est arrivé sous la forme de chapitres d’un manuscrit de son amie Karen Rinaldi, d’où elle a tiré son scénario. Une première pour Rebecca Miller, qui signe habituellement ses propres histoires, mais selon elle, «il y avait assez de travail à faire, assez d’espace pour que je puisse m’approprier le scénario. Les écrits de Karen m’ont toutefois donné une incroyable géométrie émotionnelle sur laquelle me baser.»
Dans Maggie’s Plan (Maggie a un plan), une trentenaire célibataire de New York, Maggie (Greta Gerwig), décide de faire un bébé toute seule. Elle considère que le moment est venu et, comme elle n’a pas l’intention d’attendre l’arrivée d’un soupirant dans sa vie pour s’exécuter, elle demande l’aimable collaboration d’un donneur de sperme, Guy (Travis Fimmel, vedette de la série Vikings). Mais le soupirant arrive tout de même à ce moment précis, quand elle fait la connaissance de John (Ethan Hawke), professeur d’université et aspirant écrivain qui tombe amoureux d’elle, bien qu’il soit déjà marié à Georgette (Julianne Moore), avec qui il a deux enfants. Une petite famille à laquelle s’ajoutera sous peu un nouveau bébé, celui de Maggie…
«On ne voit pas souvent de neige dans les films qui se passent à New York, alors que c’est une réalité qui fait partie de nos vies. J’ai donc eu envie de tourner l’hiver, ce que je n’avais jamais fait. Il y a quelque chose de très spécial dans la lumière hivernale, qu’on ne retrouve pas dans la lumière d’automne ou de printemps. je me suis prise d’affection pour elle.» –Rebecca Miller
C’est un regard sans jugement et dépourvu de lourdeur que Rebecca Miller pose sur ses personnages : «Dans le monde d’aujourd’hui, il y a plein de manières différentes d’avoir une famille, d’avoir des enfants, d’interagir, souligne-t-elle. En tant qu’individus, nous sommes toujours en mouvement. Les couples changent, se dissolvent et, dans un sens, notre entourage devient aussi important que notre couple.»
Et comme dans la vraie vie, les personnages changent en fonction de la personne avec qui ils sont (ou ne sont pas), laquelle fait ressortir un aspect ou un autre de leur personnalité. Comme le dit John au début du film, «dans chaque relation, il y a une rose et son jardinier». En ce qui le concerne, de jardinier avec Georgette, il devient rose avec Maggie. «Je suis contente que vous ayez remarqué ça, car pour moi, c’est un des aspects les plus importants du film! s’exclame Rebecca Miller. John devient complètement différent quand il est avec Maggie, qui prend leur vie de famille en charge. Et au fil du temps, le regard que Maggie porte sur John – et sur Georgette aussi – change. Au début, elle entend parler de Georgette et s’imagine une vraie marâtre, ce qui ne correspond pas à la réalité. Combien de fois nous formons-nous une opinion sur quelqu’un selon ce qu’une autre personne nous a dit d’elle, pour voir cette opinion se modifier complètement quand on la rencontre?»
Des acteurs impliqués
Ethan Hawke et Greta Gerwig sont des acteurs connus pour s’impliquer personnellement dans la création de leurs personnages au cinéma. Ils vont même parfois jusqu’à participer à l’écriture du scénario (avec Richard Linklater pour l’un et Noah Baumbach pour l’autre). Et ici aussi, les comédiens, Julianne Moore incluse, ont offert leur input à Rebecca Miller. «Ils ne proposaient pas de gros changements dans l’histoire ou dans le dialogue. C’était plutôt dans la construction de leurs personnages qu’ils voulaient modifier des détails, précise-t-elle. Par exemple, Greta et moi avons décidé ensemble que Maggie devrait être une Quaker – on ne se souvient pas qui l’a suggéré en premier. Je savais que Maggie devait avoir une sorte de passé religieux, parce qu’elle est tellement motivée par l’éthique qu’il fallait qu’elle ait grandi là-dedans. Et j’aimais l’idée des Quakers. Ils sont moins dans le rituel que dans les actions pour venir en aide aux autres, ce qui fonctionne avec le personnage de Maggie. Et son éducation religieuse n’est pas le sujet principal du film, ça fait juste partie de son personnage.»
Quant à Julianne Moore, elle a suggéré que son personnage soit vu dans son milieu de travail, qui est au centre de sa vie. «Nous avons aussi parlé longuement de la signification de ce chignon haut qu’elle porte toujours», se souvient Miller.
Est-ce une habitude liée à du passé d’artiste visuelle de la réalisatrice? Toujours est-il que le décor, les costumes, l’éclairage, les coiffures, les couleurs, tout l’aspect visuel du film semble avoir été minutieusement étudié. «C’est vrai que je porte une attention particulière à tout ce qui touche les couleurs, les textures, ce que les costumes et les coiffures veulent dire. Dans un sens, le cinéma, c’est de l’anthropologie. Si on fait un film contemporain, on fait le portrait de notre époque. Bien sûr, l’univers du film n’est pas à 100 % réaliste, mais ça reste dans le domaine du possible. C’était très important pour moi que tout soit crédible.»
Maggie’s Plan
En salle dès vendredi