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«Harem», un spectacle séducteur qui explore le rapport à la féminité

Dans une ambiance effervescente, le spectacle Harem, aux frontières de l’interdit, a été présenté au Théâtre Maisonneuve le 13 novembre en clôture de la 23e édition du Festival du monde arabe de Montréal «sous le signe de la poésie du corps».

Relecture en miroir du spectacle éponyme datant de 2005, Harem «tente des réappropriations nouvelles et singulières du corps oriental féminin, source d’énigmes et de passions rêvées».

Shahrokh Moshkin-Ghalam et Ilhan Karabacak, deux prodiges de la danse orientale au masculin, se sont rencontrés pour la première fois sur scène, aux côtés de la jeune danseuse et chorégraphe libano-canadienne Chanel Cheiban, pour donner vie au spectacle qui propose une exploration du corps féminin au cœur d’un véritable harem musical et scénographique.

Nous évoquons le harem parce qu’il renvoie indéniablement au rapport avec la femme, l’un des sujets miroirs entre les mondes. Libre ou disponible, sensuelle ou soumise, elle est en alternance objet de désir clandestin et lieu d’adversité collective. Revisiter le harem, c’est autant recouvrer l’érotisme et repeupler le corps de sa transcendance originelle que déjouer les différences, les représentations et les tensions.

Extrait de la présentation d’Harem (2005)

«Du spirituel à la séduction, en passant par la transe, l’introspection et la recherche de soi», les danseurs se sont livrés avec fougue à un échange improvisé de mouvements lyriques en fusionnant les codes sophistiqués des rites sacrés et de la danse persane, mère du kathakali et du flamenco.

Accompagnée d’une dizaine de musiciens virtuoses, la chanteuse Hela Melki a captivé le public avec ses chants puissants, qui revivifient la sensualité et la beauté de la poésie et de la littérature arabes.

Métro a rencontré les danseurs pour en savoir plus sur leurs parcours.

Spectacle Harem, aux frontières de l’interdit. Crédit photo : Karla Meza / Métro

Connexion avec l’au-delà

Né dans une voiture à la frontière entre l’Iran et l’Irak, Shahrokh Moshkin-Ghalam se souvient d’être spontanément monté sur la scène d’un spectacle auquel il assistait avec ses parents à l’âge de deux ou trois ans pour danser avec l’orchestre. «La danseuse a retardé le début de son spectacle parce que j’étais sur la scène», dit M. Moshkin-Ghalam d’un ton amusé.

«Je n’ai jamais arrêté de danser depuis, mais c’est lorsque j’étudiais en arts et théâtre à Paris que je me suis dit que la danse pourrait devenir mon métier», raconte celui qui fait ses débuts au sein du Théâtre du Soleil en 1991.

«J’étudiais les danses folkloriques de partout dans le monde, mais la danse soufie a toujours fait partie de moi en raison de mes origines kurdes», explique le renommé danseur derviche, dont le style a été influencé notamment par le flamenco, le kathakali indien et d’autres danses indonésiennes et africaines.

Après avoir dédié sa vie à la danse, M. Moshkin-Ghalam a songé à se retirer de la danse en 2020. «À mon âge, normalement les gens ne dansent plus. Les gens m’ont convaincu de continuer, mais je pense que les deux ou trois prochaines années seront mes dernières sur la scène», dit l’artiste âgé de 55 ans, qui réside en Arizona depuis deux ans.

Ce n’est pas seulement une question de corps, mais aussi de philosophie. Avant, dès que je me mettais à danser, j’atteignais tout de suite une connexion avec l’au-delà. Maintenant, je peux être dans cet état uniquement en écoutant une musique, sans même danser.

Shahrokh Moshkin-Ghalam, danseur derviche d’origine iranienne

D’Istanbul à Montréal

«J’ai commencé à danser à 19 ans. C’est un peu tard pour commencer une carrière comme danseur professionnel, mais la passion qui m’habitait m’a aidé à atteindre mon but», raconte Ilhan Karabacak, en entrevue avec Métro.  

L’artiste d’origine turque a amorcé son parcours comme danseur de club et danseur du ventre dans des lieux touristiques de son pays natal. Durant sa vingtaine, il pratiquait également le ballet classique, la danse moderne et la danse africaine.

Spectacle Harem, aux frontières de l’interdit. Crédit photo : Karla Meza / Métro

«Je préparais le terrain pour créer mon propre style en combinant toutes ces danses», lance le danseur de 45 ans, qui a séduit le public lors de sa première participation au Festival du monde arabe de Montréal, auquel il a participé quatre fois depuis 2005.

Le succès de sa danse charismatique et sensuelle lui a valu une première invitation au Gala des Étoiles 2006. Il a ensuite été invité à rejoindre les rangs de l’équipe de Zumanity au Cirque du Soleil.

Quand je regarde en arrière, je me réjouis du chemin que j’ai parcouru avec ma danse.

Ilhan Karabacak, danseur originaire d’Istanbul

«Montréal a été un point tournant pour ma carrière. L’accueil de chaque prestation artistique que j’ai donnée ici jusqu’à présent m’a donné un niveau de confiance en moi que je n’ai jamais ressenti ailleurs», dit l’artiste qui réside actuellement à Manhattan.

Partager son amour pour la danse

«J’ai décidé de soumettre au festival un projet solo sur lequel j’avais commencé à travailler pendant mes études», raconte la jeune danseuse Chanel Cheiban, diplômée de l’École de danse contemporaine de Montréal depuis le printemps dernier. «Ils ont bien aimé ce que je proposais et ils m’ont incluse dans ce spectacle.»

En participant au festival, l’artiste d’origine libanaise tenait à communiquer son amour pour la danse sur scène. «C’était un bon défi, je suis fière de moi. Ça m’a permis de libérer beaucoup d’émotions, c’était vraiment thérapeutique», lance-t-elle.

Dans son style de danse, l’artiste de 25 ans, membre de la troupe de danse montréalaise Veils of Bollywood, emprunte la gestuelle des pratiques orientales ancestrales et combine ses mouvements aux techniques de danse moderne.

«Il y a quelque chose de sacré dans chaque spectacle que je donne. J’espère que celui-ci va m’aider à grandir, à faire ouvrir une nouvelle porte pour commencer un nouveau chapitre [dans ma carrière].»

Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.

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