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«Lac-Mégantic: ceci n’est pas un accident», un devoir de mémoire

Richard Labrie, ex-contrôleur chez MMA, est l'un des intervenants de la série documentaire. Photo: Vrai

Dix ans se sont écoulés depuis la tragédie de Lac-Mégantic. Dix ans de deuil, de reconstruction, de batailles juridiques. Et aujourd’hui, un pareil drame pourrait encore avoir lieu – pas parce qu’il n’est pas évitable, mais parce que rien n’a changé –, avance-t-on dans la nouvelle série documentaire Lac-Mégantic: ceci n’est pas un accident, disponible dès maintenant sur la plateforme Vrai de Québecor.

Réalisée par Philippe Falardeau, la série documentaire est basée sur les recherches qu’Anne-Marie Saint-Cerny a faites pour son essai Mégantic: une tragédie annoncée. Ses quatre épisodes d’une heure répondent à ce devoir de mémoire que l’on a envers les 47 personnes mortes le 6 juillet 2013, lorsqu’un train de pétrole a fait exploser leur centre-ville.

Complémentaire à la série de fiction Mégantic, disponible depuis cet hiver sur Club illico, la nouveauté propose un résumé très clair des événements. Plusieurs éléments sont bien connus du grand public, d’autres un peu moins, mais l’idée n’est pas nécessairement d’apporter des faits nouveaux. C’est surtout un objet qui permet de rassembler tout ce que l’on sait ainsi que tout ce que l’on devrait savoir de cette tragédie… et de se scandaliser devant un statu quo qui persiste.

L’inaction qui tue

Combinant des témoignages crève-cœur et des détails très techniques, mais parfaitement vulgarisés, Lac-Mégantic: ceci n’est pas un accident force à un constat: le drame ferroviaire qu’ont vécu les Méganticois.es n’est toujours pas réellement derrière.

La série, qui commence avec les récits de témoins des explosions et de proches de victimes, aborde notamment les décisions des compagnies ferroviaires et pétrolières ainsi que les laisser-passer des gouvernements. Par exemple, malgré une hausse de 28 000% du transport du pétrole dans les quatre années précédent le drame, Transport Canada n’a rien fait pour gérer l’augmentation du risque. Autre exemple: avant d’arriver à Lac-Mégantic, le train avait perdu six citernes brisées, entre autres à cause de problème de freins, freins qui ont été mis en cause dans la tragédie.

Pire: quand la compagnie ferroviaire Montreal, Maine & Atlantic (MMA) a décidé, en 2012, qu’une seule personne pouvait s’occuper d’un train plutôt que quatre, Transport Canada ne s’est pas opposé. Cette décision est toujours effective aujourd’hui. Et quand Tom Harding, seul à bord du train dans la nuit du 5 au 6 juillet 2013, a signalé à la MMA que sa locomotive était brisée, signalement également fait par son prédécesseur, on lui a dit de continuer son voyage. Le train ne s’est jamais rendu à sa destination finale.

La série se concentre également sur l’après immédiat: l’arrivée massive de médias dans une petite ville tranquille, le cimetière à ciel ouvert qu’est la «zone rouge», le ménage, les enquêteur.trice.s qui commencent leur travail… On se penche aussi sur le controversé procès qui a visé des employés et non des décideurs, puis sur le projet de voie de contournement décrié par des Méganticois.es exproprié.e.s et toujours en deuil de leurs proches.

Constat: les responsables n’ont pas payé, aucune enquête publique n’a été menée, aucune action concrète n’a été prise pour éviter qu’un tel événement se reproduise, affirme-t-on dans Lac-Mégantic: ceci n’est pas un accident.

Des témoignages frappants

Trio Orange et Philippe Falardeau n’ont pas lésiné sur les intervenant.e.s et les images d’archives. Quantité de Méganticois.es racontent leur histoire à la caméra, dont Pascal Charest, qui a perdu ses deux filles et leur mère durant la tragédie. Celui dont l’histoire a été portée en images dans la bande dessinée Mégantic: un train dans la nuit a été le témoin impuissant de leur mort, voyant l’immeuble où elles dormaient être ravagé par les explosions.

Des témoignages poignants comme le sien, il y en a beaucoup. Il y a ceux des proches – la mère, les sœurs, les grands-parents – de Frédéric Boutin, décédé lors de cette nuit fatidique. Il y a celui d’un père, qui savait qu’il n’y avait plus d’espoir pour sa fille dès qu’il a été mis au courant du drame. Et il y a le fait que pratiquement tous ces gens ne connaissaient pas une victime, mais des dizaines.

S’ajoutent à ces témoignages ceux de la mairesse de Lac-Mégantic à l’époque, Colette Roy-Laroche, et de l’ex-sous-ministre des transports Louis Lévesque, notamment. On peut aussi voir l’ex-contrôleur de la MMA Richard Labrie qui a communiqué avec Tom Harding le soir des événements, des appels que l’on entend d’ailleurs dans la série documentaire. Mentionnons également la présence de l’expert en sécurité de la voie ferrée recruté par la Sûreté du Québec (SQ), Stephen Callaghan.

En résulte une série documentaire accablante pour les autorités et les compagnies ferroviaires. Mais fera-t-elle changer des choses qui sont restées immobiles depuis une décennie?

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