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La Sécurité: musique «à broil» 

Kenny Smith, Félix Bélisle, Laurence-Anne Charest-Gagné, Éliane Viens-Synnott et Melissa Di Menna forment le groupe La Sécurité, qui sort son premier album, « Stay Safe! ». Photo: Aabid Youssef

La Sécurité enflamme sans ménagement la scène musicale montréalaise avec son premier album, Stay Safe!, qui sort ce vendredi chez Mothland.  

Le quintette réunit des artistes que les mélomanes affectionnent déjà, soit Félix Bélisle (Choses sauvages) à la basse, Éliane Viens-Synnott au chant et aux claviers, Laurence-Anne Charest-Gagné et Melissa Di Menna (Jesuslesfilles) aux guitares ainsi que Kenny Smith à la batterie.  

Vibrant d’une ardeur foncièrement punk, la bande influencée par le new wave et le krautrock lance un premier opus frénétique, fiévreux, extravagant, où rugissent et vagabondent les guitares auprès de synthés électrisant la nuit. Un album « à broil », comme le décrit fort justement la voix de Choses sauvages en entrevue avec Métro à la brasserie Harricana, dans Villeray, aux côtés de sa partenaire de vie et de création, Éliane. 

Si le tandem fondateur accepte l’épithète « supergroupe » qu’accolent déjà les médias à La Sécurité, eux ne se qualifieraient pas ainsi à l’aune du microcosme musical québécois. « Ce serait cocky en sacrament », lance Félix. 

L’appel des ami.e.s  

À l’origine, Félix et Éliane désiraient former un duo, mais La Sécurité s’est rapidement mué en quintette, le couple recrutant les ami.e.s Laurence-Anne, Melissa et Kenny. 

« C’était comme notre dream team; on voulait nos chums et des gens dont on est fans. Et ils ont tous dit oui », se réjouit Félix. 

En partant de Try Again et Suspens, démos qu’Éliane et Félix avaient coécrits, « on leur a laissé de la place pour qu’ils puissent apporter leur touche », explique Éliane. « Les démos ont pris du poil de la bête quand les gens sont arrivés pour mettre leur grain de sel là-dedans, renchérit son chum. Ils ont tous leurs couleurs et leurs saveurs. » 

« Laurence-Anne est une artiste complète dans son projet solo et elle nous a dit mot pour mot : “Je veux juste jouer de la guit tout croche par-dessus ça et faire des textures”, se souvient-il. Étant donné qu’elle compose de A à Z ses albums, comme Kenny, elle a besoin d’un no-brainer. Et son no-brainer est très tasty finalement. » 

Issu de l’école egg-punk, Kenny Smith a pour sa part « vraiment une façon particulière de voir la batterie, poursuit Félix. Et Melissa a aussi une forte personnalité musicale ». 

« Après notre expérience dans Vanille, où on était plus players, je sentais qu’elle avait besoin d’une place où elle pouvait donner plus son avis et amener ses idées », souligne Éliane, qui était batteuse au sein de l’orchestre de Vanille, où elle a rencontré Melissa — un « crush amical et musical ». 

Chaque membre apporte ses couleurs et ses saveurs à La Sécurié, affirme Félix Bélisle (au centre). Photo : Aabid Youssef

Créer à cinq 

En partant des démos, « ajouter les idées de tout le monde pour en faire des chansons de La Sécurité, ça nous a permis de nous développer une façon de travailler pour composer des chansons originales à cinq », explique Félix. 

C’est dans le local de répétition de Choses sauvages, groupe phare de la scène nu-disco, que les tounes de La Sécurité, fruit principalement de jams et de premiers jets, ont pris forme. Le quintette a finalement enregistré Stay Safe! en cinq semaines l’hiver passé. 

« Ça s’est jamais fait vite de même, un album », laisse tomber Éliane. « Jamais je refais ça », garantit Félix, qui a coréalisé l’opus à coups de journées de 18 heures. «La prochaine fois que je réalise, c’est sûr que je pogne un ingénieur, parce que là, j’ai porté tous les chapeaux. »  

Cette urgence, qui aura finalement teinté le son de Stay Safe!, font observer Éliane et Félix, relavait aussi d’un enjeu de timing : Laurence-Anne fera paraître son troisième album l’automne prochain, Oniromancie, tandis que Choses sauvages amorcera sous peu un cycle de création.  

« Je ne sais pas si je spoil des affaires », s’enquiert Éliane à son amoureux. « Non, non, c’est ben correct », répond-il. 

La Sécurité, c’est notamment l’occasion pour Laurence-Anne Charest-Gagné, Félix Bélisle, Kenny Smith, Éliane Viens-Synnott et Melissa Di Menna, tous et toutes membres ou ex-membres d’autres groupes, de varier les rôles. Photo : Aabid Youssef

Changement de rôles 

Si Éliane a toujours évolué dans des univers musicaux punk avec ses projets antérieurs, la Sécurité était l’occasion pour d’autres membres de diverger de leurs zones habituelles.  

« Ça fait longtemps que j’ai le goût de jouer des trucs plus vite, plus violent, et il y a une limite où je peux aller avec Choses, relève Félix. Donc j’étais vraiment content de pouvoir le faire avec La Sécurité. »  

C’est l’occasion également pour les musicien.ne.s de changer de rôle, Laurence-Anne se concentrant sur les guitares, Éliane troquant sa batterie contre le micro. « Et je commence vraiment à y prendre goût », dit la danseuse contemporaine de formation. 

Habituée à « porter la vision de quelqu’un d’autre » comme interprète, elle ne voulait pas jouer de personnage comme chanteuse. « Mais ça ressemble à quoi, ça? », s’était-elle demandé.  

« T’as même appris qu’il fallait que tu te paces un moment donné, parce que tu es très généreuse de ton énergie », la relance son complice. Énergique au point de presque perdre connaissance en coulisse après des concerts. « Il faut donner du gaz égal », illustre Félix, ravi de se retrouver « un peu plus dans l’ombre » comme bassiste au sein de La Sécurité.  

« C’est cool d’être un peu plus laid-back et de pouvoir un peu fermer ma gueule », affirme le chanteur de Choses sauvages, faisant pouffer sa blonde, la principale parolière de La Sécurité, qui écrivait déjà au sein de son défunt groupe punk Dates.  

Native d’Edmonton de parents québécois, Éliane écrit surtout en anglais, mais également en français. « Les langues, c’est comme des couleurs : il y a des façons différentes de pouvoir exprimer des choses », fait-elle remarquer, avant d’y aller d’une judicieuse analogie avec la danse.  

« Le chorégraphe a une vision, mais ce n’est pas ce que le public va voir; c’est la même chose avec l’écriture. J’aime que les gens puissent transposer ce que j’ai écrit sur leurs propres expériences. » 

Engouement 

La Sécurité est encore un tout jeune groupe, qui s’est produit pour la première fois il y a un an à peine, mais il revient déjà d’un fructueux passage au festival South by Southwest (où Félix jouait aussi avec Choses sauvages — « c’était spécial, faire 10 shows en 9 jours! »). 

Le quintette s’est notamment fait des contacts européens. « Ça regarde bien en Europe. Si on était capables de faire un petit splash, on serait bien contents », avoue Félix, qui aimerait sillonner le monde avec son nouveau groupe. 

Une entreprise américaine promeut en outre désormais La Sécurité auprès des plateformes de diffusion. « C’est une bonne façon de faire de l’argent quand tu fais de la musique parce qu’il n’y en a pas mille », rappelle Félix. « Get with the times, comme ils disent », renchérit Éliane.  

Désigné comme « le nouveau band de Laurence-Anne et Félix de Choses sauvages » à la sortie de sa première chanson, Try Again, La Sécurité a certainement pu tirer parti de ces têtes d’affiche au Québec, où l’engouement ne s’est pas fait attendre. « C’était écrit dans le ciel que ça allait se passer comme ça au début, constate Félix. Mais c’est bon pour le band ultimement, et il n’y a pas d’ego. » Éliane se fait même aujourd’hui reconnaître dans la rue. 

« Plus tu es chill, plus tu t’en crisses, plus les choses te tombent dessus, conclut Félix. J’ai appris ça dans le métier : plus tu cours après le monde, plus tu patines dans le beurre. Laisse la musique parler d’elle-même, et ça va toucher les gens que ça doit toucher. » 

La Sécurité est revenu d’un fructueux passage au festival South by Southwest, en mars dernier. Photo : Aabid Youssef

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