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Quoi d’autre qu’une crise du logement?

Photo: Archives
Darby MacDonald et Saray Ortiz Torres - Collaboration spéciale

Le 28 avril dernier, interrogé sur le coût des loyers à Montréal par la porte-parole de Québec Solidaire, Manon Massé, le premier ministre Legault a répondu que le prix des loyers dans la métropole commençait à cinq ou six cents dollars.

La semaine suivante, le 5 mai, la ministre québécoise de l’Habitation, Andrée Laforest, a proclamé qu’il n’y avait pas de crise du logement, soulignant le taux d’inoccupation actuel de 2,7 % à Montréal.

Le lendemain, le 6 mai, après avoir été interpellé au sujet des « rénovictions », le premier ministre Legault a répondu avec frustration, en affirmant que les propriétaires ne pouvaient pas simplement augmenter les loyers au-delà de l’inflation. Mais cette fois, il a admis que « ça va prendre un certain temps pour que la crise se règle. »

Ce n’est pas un hasard si les locataires ont ressenti un malaise à la suite de ces déclarations.

Tandis que les politiciens débattent à savoir si la crise du logement est bien réelle au Québec, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) rapporte un coût moyen du loyer de 891 $ à Montréal, tandis que la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) annonce que les listes d’appartements vides indiquent des loyers 36 % plus élevés que ceux des appartements occupés.

De plus, si la ministre responsable du logement veut nous réconforter en parlant d’un taux d’inoccupation de 2,7 %, il faudrait peut-être lui rappeler que, selon les économistes, tout taux d’inoccupation inférieur à 3 % indique une pénurie de logements. Sans compter que le taux d’inoccupation des logements abordables à Montréal (c’est-à-dire des logements que les personnes gagnant 36 000 $ par an ou moins peuvent se permettre) est à son plus bas niveau historique, c’est-à-dire 1,5 % en moyenne.

Et que dire de cette fameuse inflation molle mentionnée par M. Legault ? En 2020, elle n’était que de 2 %. Pendant ce temps, les recherches montrent que les Montréalais ont subi en moyenne une augmentation de loyer de 6 %, la plus importante depuis 2003. La province, semble-t-il, laisse les locataires à faible revenu faire les comptes.

Cependant, pour des locataires comme Stephen Woods, dont le nouveau propriétaire tente de l’expulser sous prétexte de procéder à un agrandissement ou à une subdivision de son appartement, la crise du logement est bien réelle. « Je sais que je paie un loyer raisonnable, car je suis ici depuis 1972 et je négocie toujours l’augmentation de mon loyer. Mais le nouveau propriétaire pense que je paie trop peu. » Heureusement, M. Woods est protégé de ce type d’expulsions en tant que locataire âgé à faible revenu qui vit dans son appartement depuis plus de 10 ans. D’autres n’ont pas cette chance. « Je suis en colère, mais heureusement, j’ai la loi de mon côté. Mais même dans ce cas, je dois quand même aller à la Régie du logement pour prouver que je suis protégé. Les personnes qui ne connaissent pas la loi se font piéger pour quitter leur appartement. Les propriétaires connaissent ces ruses, ce sont des intimidateurs », exprime-t-il.

Lorsqu’il défend son gouvernement, François Legault se vante d’avoir construit un peu plus de 3 000 logements sociaux jusqu’à présent. On oublie facilement qu’il avait promis de construire 15 000 unités

lors de son premier mandat. Pendant ce temps, les locataires à faible revenu inscrits sur la liste d’attente des logements sociaux de Montréal peuvent parfois attendre plus de 10 ans avant d’obtenir un logement subventionné.

Pour les locataires vulnérables, la solution comporte plusieurs volets : d’abord et avant tout, le gouvernement doit construire davantage de logements sociaux. Ensuite, pour s’assurer que le nombre de logements privés abordables demeure, la province doit mettre en place un contrôle obligatoire des loyers. Enfin, le gouvernement doit protéger le droit des locataires de conserver leur logement en éliminant les motifs d’éviction fallacieux, comme l’article 1959 du Code civil du Québec qui permet aux propriétaires d’évincer des locataires sous prétexte d’agrandir ou de subdiviser leur logement. Nous exigeons que cette clause, qui encourage la spéculation immobilière néfaste et le déplacement des locataires à faible revenu, soit abolie.

Le gouvernement provincial peut prendre de nombreuses mesures pour éviter que cette crise ne s’aggrave. La politique de l’autruche n’en fait pas partie. Les locataires comme Stephen Woods n’ont pas le même privilège. « Si je pouvais me permettre de déménager d’ici, je le ferais, mais je suis à la retraite et je vis seul. Déménager dans un appartement à 2 000 dollars par mois n’est pas une possibilité pour moi. »

Darby MacDonald et Saray Ortiz Torres

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