Une résolution pour la nouvelle année
LETTRE OUVERTE
Chaque année, vers la mi-décembre, au moment précis où le temps choisit de s’accélérer, des milliers de Québécois se plient à l’épreuve des résolutions. Si nous sommes nombreux à promettre que nous nous remettrons à la course à pied, c’est à se demander si les sociétés devraient elles aussi se livrer modestement à cet exercice.
Envisageons un instant que ce scénario soit à la portée du réel. Dans un cas pareil, qu’est-ce que la société québécoise pourrait bien espérer de l’année qui se prépare ?
Il ne fait aucun doute que parmi les importants chantiers en vue, il y a celui qui consiste à redonner toutes ses lettres de noblesse au débat.
Depuis que les émissions, qui valorisaient jadis les débats, se sont mises à tomber comme des mouches et que le rendez-vous du dimanche soir sur le service public s’est transformé en un carrousel de la vertu, nous sommes plusieurs à nous plaindre de l’absence d’espace médiatique consacré strictement à la conversation civique.
À la tendance lourde, que l’on observait déjà depuis la disparition de Bazzo.tv en 2016, il faut rappeler que se sont ajoutées au fil des années qui ont suivi de multiples proclamations d’un nouvel ordre vertueux. Après la suspension d’une professeure pour l’usage du mot « nègre » dans un contexte académique et la censure des choix de lecture du Premier ministre en 2020, l’année 2021 a été marquée par une radicalisation de la chasse aux « conspirationnistes » et une accélération des lynchages publics. Tandis que la majorité silencieuse est demeurée saisie par l’ampleur de ce vacarme, certains militants, eux, ont naturellement poursuivi leur mutation, se transformant en de véritables ombudsmans frileux.
Résultat des courses : à l’aube de 2022, jamais n’a-t-on pu compter sur autant de militants prêts à dégainer pour un « il » ou pour un « elle ».
Comme si l’incertitude sanitaire n’était pas suffisamment angoissante, la nouvelle année se prépare donc à nous ouvrir grand ses bras, mais offre à ses invités quelques esquisses d’un paysage miné.
Et dire que l’année qui s’en vient pourrait plutôt nous donner l’occasion de réengager le dialogue.
Après tout, de riches réflexions seraient à entreprendre en lien avec le nationalisme, le mondialisme, le conservatisme et le progressisme. Devant les crises de réfugiés et l’explosion démographique de l’Afrique, il apparaît évident que nous devrions réapprendre à discuter respectueusement de l’enjeu de l’immigration au Québec. Le tout sans que l’interlocuteur sensible à la survie du français et à la cohésion sociale ne soit injustement soupçonné de xénophobie ou d’espérer secrètement le retour du bruit des bottes.
Si nous nous donnons cette « seconde » chance, l’année 2022 pourrait alors aussi nous permettre d’engager d’importantes discussions autour du féminisme, de la place des idéologies dans l’université et des proportions que doit prendre le processus de vérité et de réconciliation auprès des populations autochtones.
Nous sommes plusieurs à être persuadés que nous reprendrions goût à coup sûr pour les échanges, pour ce flirt avec l’autre. Nous en profiterions alors sans doute pour discuter de l’ensemble des approches à notre disposition devant l’urgence climatique. Nous pourrions également discuter de l’enjeu de la diversité, interroger peut-être même ses limites.
Comment résisterions-nous à la possibilité de débattre enfin de la notion de racisme systémique, du financement de la police, mais aussi de l’idéologie « woke » ? Serions-nous alors prêts à étudier la possibilité que le terme « woke » soit devenu un concept fourre-tout ?
Prenant la forme d’un balado, d’une émission de télévision ou encore de radio, cet espace strictement consacré au débat nous ferait réaliser que ce n’est pas à coups d’ouvrages ou de chroniques publiées de part et d’autre, mais seulement dans les yeux et dans la voix de l’autre, que nous réapprendrons un jour à discuter tous ensemble.
Peut-être est-ce au tour de la jeune génération de s’emparer de cette importante responsabilité. Il lui faudra du courage, mais il est grand temps de retrouver le cœur au débat.