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Dater à 50 ans: les algorithmes sont-ils âgistes?

Photo: iStock

On connaît tous quelqu’un qui a trouvé l’amour sur une application de rencontres. On pourrait penser que c’est facile, mais pas nécessairement passé 50 ans. Y aurait-il de l’âgisme dans les algorithmes des applis? La réponse est loin d’être simple.  

Swiper à droite (oui je te veux) ou à gauche (dégage de mes DMs) permet de filtrer énormément sur Tinder. À force, l’application sait quel type de profil montrer en premier, que ce soit pour une vraie date ou un Netflix and chill.

Malheureusement, à coups de swipes, on réduit aussi notre bassin de matchs disponibles.  

À cause de l’algorithme, l’application finit par vous montrer que les profils correspondants à vos préférences, qu’elle évalue à partir de chacun de vos faits et gestes, du choix des mots dans votre bio aux balayages à l’écran. Si vous aimez majoritairement des gens de 20-25 ans par exemple, les chances que vous tombiez sur un senior sont très minces.

Ainsi, si les applis qui analysent vos préférences sont utiles pour éviter une date malaisante, la base de leur fonctionnement nuit toutefois au succès des 50 ans et plus, croit Finn Lattimore, chercheuse principale à l’Institut Gradient, qui œuvre dans le domaine de l’intelligence artificielle responsable et de l’éthique des algorithmes.  

«Les algorithmes bâtis par ces entreprises sont faits avant tout pour satisfaire les préférences des utilisateurs. Si ces préférences changeaient [que les utilisateurs se mettaient à préférer les 50 ans et plus], cela se reflèterait dans les profils mis de l’avant par l’algorithme», explique-t-elle.  

Malgré tout, certains éléments déterminés par les dirigeants d’entreprises échappent au contrôle des utilisateurs et même de leurs propres programmeurs.

«La plupart des problèmes éthiques observés, comme par exemple les algorithmes racistes ou âgistes, ça ne vient pas des développeurs, mais des patrons qui les embauchent qui pensent: ″les droits des personnes avec une peau non blanche nous importent peu″ ou ″ne visons que les millénariaux, là où est l’argent du futur″», surenchérit le spécialiste en Machine Learning Lachlan McCalman, au même institut.

L’âge, un construit social

La démographie des utilisateurs Tinder, dont plus de 50% ont entre 19 et 25 ans, n’aide pas non plus. Difficile d’offrir de «bons» matchs pour les personnes plus âgées (ou même assez de matchs), et ce, simplement parce qu’elles sont sous-représentées.

Ce n’est pas non plus le réflexe des baby-boomers de télécharger Tinder, Grindr, Bumble pour trouver l’amour. Ceux-ci préfèrent généralement les sites de rencontres qui rapprochent les gens par centres d’intérêt et mènent à des dates moins éphémères.

«Quand j’ai fait mon projet de mémoire, la moitié des couples s’étaient connus sur des sites de rencontres», confirme Chloé Dauphinais, doctorante en sociologie à l’Université du Québec à Montréal, qui s’est intéressée à la remise en couple après la retraite.

Elle rappelle au passage que l’âge est une construction sociale. «Alors que le vieillissement est un processus biologique, l’âge en soi renvoie à certaines attentes et à des normes sociales», précise la sociologue.

Ainsi, on compte beaucoup plus de retraités sur le marché de l’amour qu’il y a 50 ans, puisque vieillir à deux est devenu un signe qu’on «vieillit bien».

Cela dit, Chloé Dauphinais ajoute que les préjugés âgistes sur la sexualité des personnes âgées minent souvent la confiance qu’elles ont en elles-mêmes. Certaines personnes vont même s’exclure du marché de l’amour par peur de ne pas trouver leur flamme.

Quand on aime, on a toujours 20 ans?

Mais il y a de l’espoir! Des lois antidiscriminatoires (notamment sur l’âge et la race) sont implantées de plus en plus aux États-Unis, en Australie et en Europe, observe Finn Lattimore.

Certains détails légaux deviennent cependant complexes lorsqu’ils touchent aux préférences personnelles ou aux relations affectives.

Pour faire changer les choses, les utilisateurs de 50 ans et plus doivent réclamer plus de transparence directement aux applications de rencontres, en adressant une plainte à l’entreprise et en s’engageant dans un mouvement de contestation public. Plus les gens embarqueront, plus il y a de chances que ça change.  

«Une entreprise qui a une bonne approche éthique devrait normalement permettre la contestabilité de ses clients. Ensuite, elle devrait être transparente et expliquer pourquoi les 50 et plus n’obtiennent pas de matchs», martèle la directrice générale du Gradient Institute, Catriona Wallace.

Les millénariaux aussi ont tout intérêt à combattre l’âgisme dès maintenant. «Comparativement à d’autres discriminations comme le sexisme ou le racisme, c’est quelque chose qui éventuellement va tous nous toucher. Ces valeurs de jeunesse qu’on intériorise et qui sont liées à la performance vont inévitablement nous nuire dans le futur», conclut Chloé Dauphinais.

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