Itinérance: trois refuges temporaires voient le jour à Montréal
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé jeudi l’ouverture de trois refuges temporaires pour personnes en situation d’itinérance, portant à 850 le nombre de lits d’urgence temporaires déployés jusqu’à maintenant dans le contexte de la crise sanitaire. Une initiative saluée, mais qui ne répondra pas à tous les besoins de cette population vulnérable, soulèvent des organismes.
«Cette crise a fait ressortir une précarité [dans notre société]. Elle était déjà là, mais la pandémie l’a fait ressortir au grand jour», a souligné Mme Plante jeudi. Cette dernière a pris part à une conférence devant l’ancien hôpital Royal-Victoria en présence de deux ministres du gouvernement Legault et de représentants de la Santé publique et de divers organismes communautaires.
L’imposant bâtiment, niché sur les pentes du mont Royal, a vu sa vocation transformée dans les derniers mois. Après avoir été utilisé comme une unité d’isolement pour les personnes atteintes de la COVID-19 pendant la première vague, l’établissement peut accueillir depuis juillet jusqu’à 200 itinérants dans quatre étages réaménagés en conséquence. Mercredi, il a accueilli 95 sans-abri.
Accès à un logement
Le site accueille ainsi les hommes et les femmes sur deux étages distincts. L’établissement comprend aussi une unité d’isolement offrant des chambres individuelles aux personnes en attente du résultat d’un test de dépistage (zone orange), tandis qu’un autre étage offre des services psychosociaux et de santé aux résidents. Le but du projet: accompagner des sans-abri dans leur réinsertion sociale.
«On connaît au moins 1400 personnes qu’on a rencontrées pendant la pandémie et qu’on essaie d’aider. On veut se servir de la pandémie comme d’un tremplin pour aider ces personnes à accéder à un logement», a évoqué jeudi matin le président-directeur général de la Mission Bon Accueil, Samuel Watts, lors d’une visite guidée d’un étage en zone verte de l’établissement. Dans les prochains jours, le Santé publique devrait d’ailleurs créer une zone rouge dans l’établissement à l’intention des personnes officiellement atteintes de la COVID-19, en prévision d’une deuxième vague.
De nombreux itinérants ne pourront toutefois pas bénéficier de cette ressource, déplore la directrice générale du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, Annie Savage. En effet, seules les personnes dont la consommation d’alcool ou de drogues est sous contrôle et qui sont éligibles à un logement social y ont accès. «C’est extrêmement niché comme approche», déplore-t-elle.
Un refuge pour Autochtones
En complément de cette ressource, un refuge comptant près de 50 lits d’urgence a vu le jour le 19 août dans le Complexe Guy-Favreau. Chapeautée par Projets autochtones du Québec (PAQ), cette ressource s’adresse à la population autochtone et inuit en situation d’itinérance.
«La pandémie a été très dure pour les personnes autochtones en situation d’itinérance. Sans maison où elles peuvent s’isoler et sans cuisine pour se préparer un repas, elles ont vécu un niveau de stress et de peur très élevé», a souligné la directrice générale de PAQ, Heather Johnston.
À partir du 31 août, un refuge verra également le jour dans l’ancien YMCA du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Il aura une capacité de 65 lits. Son entrée en service concordera avec le démantèlement du campement de la rue Notre-Dame Est, qui a pris de l’ampleur près du Square Dézéry dans les dernières semaines. Un processus qui se fera de façon pacifique, sans «descente de police», assure Mme Plante.
«Notre but, c’est vraiment d’accompagner les gens [vers un refuge.].» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
La mairesse a d’ailleurs affirmé que ce démantèlement était nécessaire alors que la saison froide approche à grands pas. «C’est une question de sécurité», a-t-elle dit.
Des refuges temporaires
Pendant la première vague, la Ville avait déployé quelque 700 lits temporaires dans différents bâtiments publics, comme des centres sportifs et des hôtels. Ces mesures visaient ainsi à compenser la réduction de moitié de la capacité des refuges traditionnels en raison des règles sanitaires en vigueur.
Dans les dernières semaines, toutefois, nombre de ces établissements ont retrouvé leur vocation initiale dans le contexte du déconfinement, forçant la Ville à créer un plan de transition pour offrir de nouveaux lieux d’hébergement aux sans-abri. Avec les nouvelles ressources annoncées jeudi, le nombre de lits d’urgence disponibles grimpera ainsi à environ 850, indique le protecteur des personnes en situation d’itinérance à la Ville, Serge Lareault.
Or, ces trois refuges sont, eux aussi, temporaires. À moins d’un financement additionnel de Québec, ils pourraient ainsi cesser d’opérer le 31 mars 2021.
«On joue au ping pong avec des vies humaines», tonne le porte-parole d’Ensemble Montréal en matière d’itinérance, Benoit Langevin.
À la Mission Old Brewery, on dit espérer que Québec débloquera les ressources nécessaires pour prolonger la présence du refuge aménagé au sein de l’ancien hôpital Royal-Victoria.
«On veut absolument éviter tout bris de services le printemps prochain», a assuré le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, sans s’avancer sur la possibilité de prolonger la présence de ces trois refuges.
La Ville annoncera par ailleurs prochainement la création d’un nouveau refuge qui pourra accueillir 200 personnes dans un lieu qui demeure à déterminer. Elle espère ainsi être prête à faire face à la saison froide, qui représente chaque année de nombreux défis pour les personnes en situation d’itinérance.
La Mission Old Brewery évalue actuellement à 300 le nombre de places supplémentaires nécessaires à Montréal pour répondre aux besoins des sans-abri.