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Peu de chances de freiner la voiture d’ici 2030

voiture électrique devant une borne de rechargement
À l’échelle nationale, c’est au Québec que l’engouement pour le véhicule électrique est le plus marqué. Photo: Pablo Ortiz- Collaboration spéciale

À l’heure de la lutte contre la congestion routière et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les mesures entreprises par la Ville seront-elles suffisantes pour freiner l’augmentation du parc automobile d’ici 10 ans ? Selon des experts en la matière, elles ne sont toujours pas assez ambitieuses pour avoir un effet marqué.

Hausse des prix des vignettes pour le stationnement, multiplication des saillies de trottoir, réduction du nombre de places pour garer les voitures, règlements qui limitent le nombre de nouvelles stations-service, si on ajoute les chantiers et les cônes orange, il semble que la Ville de Montréal a engagé une lutte pour restreindre la place accordée à la voiture dans la métropole.

On pourrait croire que ces mesures ont eu un effet immédiat. Entre 2017 et 2018, il y a eu 1094 véhicules en moins sur les routes de la métropole, selon des statistiques publiées par de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

La voiture est là pour rester. Elle sera de plus en plus électrique et gagnera une part importante du marché d’ici 10 ans», Danielle Pilette, urbaniste et professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

La diminution exceptionnelle de voitures à Montréal est peut-être causée en partie par les nouvelles réglementations votées par la ville, mais elles sont aussi dues à la présence d’un nombre important de chantiers. Ceux-ci causent des difficultés pour rouler à Montréal et «ont rendu la voiture inintéressante», a indiqué Pierre Barrieau, expert en mobilité en entrevue avec Métro Média. Il a ajouté que l’entrée sur scène d’Uber et la présence de Communauto sont autant d’éléments à considérer.

La baisse demeure toutefois modeste dans le flot des 1,96 million de véhicules qui ont roulé sur les routes de Montréal en 2018.

En réalité, la tendance est à la hausse. Le nombre de véhicules de promenade, automobiles et camions légers, a grimpé de 6,8% entre 2013 et 2018. Une croissance plus forte que celle la population, qui n’a augmenté que de 4,6%.

D’ailleurs, des arrondissements comme Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Le Plateau-Mont-Royal et Ahuntsic-Cartierville ont adopté des taux préférentiels pour les voitures électriques lorsqu’ils ont établi leurs grilles tarifaires pour les vignettes de stationnement. Une tendance qui vise à rendre plus séduisant l’achat de voitures moins énergivores, mais qui ne dissuade pas forcément le recours à l’automobile.

N’empêche, Mme Pilette prévoit que la voiture perdra du terrain dans les quartiers centraux. «C’est là où la population est de plus en plus rajeunie. Il y’aura un transfert des déplacements vers le transport actif, l’autopartage et les transports collectifs, notamment avec l’arrivée du REM dans le décor».

Elle est convaincue que l’automobile sera utilisée par les Montréalais qui vivent dans les arrondissements périphériques.

«Les gens qui résident à Pierrefonds ou à Pointe-aux-Trembles auront recours à la voiture parce que ces secteurs sont mal desservis en transport en commun», souligne Mme Pilette.

Ce sont aussi les endroits où le logement demeure abordable, «là où les jeunes familles et les personnes âgées vont élire domicile». Précisément le genre de personnes qui ont besoin d’une voiture pour se déplacer pour obtenir des services, faire des courses, se rendre au travail ou se divertir au centre-ville.

Taxer l’usage de la route

C’est ce phénomène que pointe justement du doigt Olivier Roy-Baillargeon, docteur en aménagement et conseiller en aménagement et urbanisme chez Vivre en Ville.

Il a dirigé en 2019 une étude intitulée Réduire les émissions de gaz à effet de serre en transport au Québec en tarifant adéquatement les déplacements motorisés. L’étude a été menée pour le compte de Transit, l’alliance pour le financement du transport collectif, un regroupement d’une soixantaine d’organismes et entités concernés par les problématiques de transport.

Pour M. Roy-Baillargeon, cette organisation de la ville génère une inégalité qu’il faut diminuer. Il assure que la dépense annuelle moyenne pour une voiture est de 10 000 à 11 000$. Le remplacement des voitures à essence dans ce cas est insuffisant. Par exemple, favoriser la voiture électrique ne fait rien pour régler l’étalement urbain.

«Plus nous concentrons nos efforts sur le remplacement du mode de carburant de l’automobile, moins nous aurons des effets bénéfiques sur d’autres dimensions liées à réduction de la place de la voiture dans notre vie», soutient-il.

La solution serait de taxer l’utilisation du réseau routier. «C’est une action collective pour cesser l’étalement urbain et les subventions tacites à l’expansion du réseau routier», relève-t-il. Les revenus générés seraient alors investis dans l’amélioration du transport collectif et constitueraient surtout un incitatif à développer la ville autrement.

«Cela permettrait aux villes de se reconstruire sur elles-mêmes et non à continuer d’ouvrir de nouveaux quartiers pour obtenir de nouvelles sources de revenus avec la taxe foncière.»

Pour lui, il faut se sortir du cercle vicieux de l’étalement urbain et de la dépendance à l’automobile. «Il faut passer au cercle vertueux de la mobilité durable et l’accessibilité aux destinations basés sur un aménagement du territoire compact, complet et bien desservi par les transports collectifs, financés par les municipalités et les usagers du réseau routier», convient-il.

Des solutions qui pourraient avoir un impact durable, mais qui nécessitent un changement profond dans la manière de concevoir la ville. La voiture a donc bien des chances de demeurer reine en 2030.

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