Un an après les rapports, encore du racisme selon des cols bleus
Des cols bleus issus de minorités visibles de Montréal-Nord disent être toujours victimes de racisme et demandent réparation, un an après le dévoilement de deux rapports faisant état de tensions raciales et de discrimination au sein de la voirie.
«Des gens qui s’étonnent qu’on sache lire, des jokes sur les Noirs, se faire dire que notre nourriture pue et qu’on “fait du tapis” quand on s’absente le vendredi, on entend encore ça tous les jours», a illustré Gino Luberisse, lors d’une manifestation organisée par le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), vendredi avant-midi.
M. Luberisse est aujourd’hui chauffeur d’appareils motorisés, mais il a occupé plusieurs fonctions à l’arrondissement de Montréal-Nord depuis 20 ans. Ce qu’il demande, c’est une reconnaissance formelle des autorités quant à l’existence du racisme, pour que les cols bleus retrouvent enfin leur dignité.
«Ça fait 23 ans que je travaille à la Ville et j’ai vu plein de choses. Les contremaîtres sont tellement racistes», a quant à lui fustigé Aniel Estimable.
Il estime cependant que les choses se sont améliorées depuis que certains sont partis à la retraite. Mais pour Gino Luberisse, les changements sont cosmétiques.
Ils ont parlé de la convention collective, il y a eu certains comités, mais le principe de réparation et de réconciliation des membres brimés, qui recherchent la dignité, ça n’a pas été abordé.
Gino Luberisse, chauffeur d’appareils motorisés à l’arrondissement de Montréal-Nord
Un «blocage»
Il y a deux ans, deux rapports confirmaient l’existence de comportements discriminatoires préalablement dénoncés sur les réseaux sociaux et par le CRARR.
Patrick Roy, délégué syndical depuis 13 ans à Montréal-Nord, estime que le climat de travail ne s’améliore pas depuis.
«On est dans un blocage», dit-il. Ni l’employeur ni le syndicat n’ont reconnu l’existence du racisme à Montréal-Nord, selon lui.
On est loin d’un règlement avec le syndicat et l’employeur. Les membres ne font même pas partie des discussions.
Patrick Roy, délégué syndical depuis 13 ans à Montréal-Nord
Le délégué indique que 28 cols bleus ont déposé des plaintes de défaut de représentation contre leur syndicat auprès du Tribunal administratif du travail.
«Ils devront prouver que c’est vrai que le syndicat ne les a pas défendus», affirme le président du Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, Luc Bisson, sans vouloir commenter le dossier davantage publiquement.
Actions
Dans un courriel envoyé à Métro, l’arrondissement de Montréal-Nord affirme avoir déjà reconnu officiellement le «côté inacceptable de certains comportements de gestion passés» et avoir posé plusieurs actions pour changer les pratiques et réparer les erreurs passées depuis deux ans.
L’arrondissement dit travailler notamment avec la Ville de Montréal et le Syndicat pour «faire de la médiation, former ses employés, résoudre les griefs déposés», dans le sens des recommandations des rapports Saba et Soares. «S’il y a d’autres gestes à poser à ce sujet, [l’arrondissement] les posera», peut-on lire dans le courriel.
«Nous sommes résolument engagés dans une démarche qui permettra à toutes et tous nos employé.e.s, quelle que soit leur origine, de travailler dans le respect et l’équité et qui donnera à ces personnes toutes les chances de s’épanouir professionnellement, affirme la mairesse de Montréal-Nord, Christine Black, dans une déclaration écrite. Dans le cadre de cette démarche, nous ne nous détournerons pas de notre objectif. Nous allons continuer d’instaurer des pratiques équitables et inclusives et un climat de travail sain.»
«Nous avons tous avantage à régler cette difficile situation de la manière la plus juste et le plus rapidement possible. Ce n’est qu’en dialoguant de façon ouverte et transparente qu’on pourra y arriver», ajoute-t-elle.