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Le manque de personnel est criant, dénonce une agente correctionnelle de la prison de RDP

Agent correctionnel prison RDP
Photo: Yohann Goyat, Métro média

Alors que leur convention collective est échue depuis le 31 mars 2020, les agents correctionnels dénoncent leurs conditions de travail et accusent le gouvernement provincial et les directions d’établissements d’être «déconnectés de la réalité».

Manque d’écoute, roulement de personnel, augmentation du temps supplémentaire obligatoire (TSO): la liste des doléances est longue quand on parle aux agents de services correctionnels de ce qui se passe entre les murs des prisons du Québec.

«Le manque de personnel est criant. [Les détenus] le savent et prennent le contrôle de la situation», raconte Sylvie*, une agente de services correctionnels qui travaille depuis plusieurs années au centre de détention de Rivière-des-Prairies. Aujourd’hui, elle se dit désabusée face à une direction qui ne l’écoute pas et ne la soutient pas.

Les établissements étant trop souvent en sous-effectif, les agressions se multiplient, la surcharge de travail est quotidienne et la fatigue s’accumule, déplore Sylvie en entrevue avec Métro. Une situation qui s’est dégradée depuis le début de la pandémie.

«Un agent s’est fait donner un coup de poing dans la face à deux reprises la semaine dernière. L’autre fois, une agente a été attaquée au visage avec une lame de couteau», raconte-t-elle.

Heures supplémentaires

Le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN) affirme que le manque d’employés est alarmant. Selon les données transmises par son président, 400 postes sont actuellement vacants et 300 agents sont en absence prolongée.

Un manque à gagner qui ne fait qu’augmenter le recours au TSO. Le syndicat a comptabilisé près de 88 000 heures supplémentaires obligatoires en 2021, et l’année n’est pas encore terminée. Il y en avait eu 56 000 en 2020.

Ces conditions de travail nous font perdre le contrôle de nos établissements

Mathieu Lavoie – Président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN)

«Les gens sur le terrain sont désabusés de la manière dont les établissements sont gérés. Le gouvernement et les directions d’établissements sont déconnectés de la réalité», martèle Mathieu Lavoie, président du SAPSCQ-CSN, avant d’ajouter que l’employeur préfère continuer à payer les heures supplémentaires «au lieu de résoudre les problèmes d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre».

Perte de contrôle

Sylvie constate depuis plusieurs années une inversion des rôles dans le centre de détention de Rivière-des-Prairies. «Le détenu a désormais plus de crédibilité que les agents correctionnels, lance-t-elle. On dirait que c’est devenu la norme!»

Elle raconte que de fausses accusations ont déjà été déposées contre des agents, par des détenus. «Un agent s’est déjà vu accusé d’avoir jeté de l’eau en dessous d’une porte de cellule. On n’aurait jamais vu ça quelques années auparavant», commente l’agente.

Elle soutient que de multiples rapports disciplinaires tombent dans l’oubli. Les détenus ne sont pas sanctionnés, ou insuffisamment, et profitent de la situation. «Notre crédibilité est mise à mal.» Même son de cloche chez Mathieu Lavoie, lui-même agent correctionnel depuis 20 ans.

Les gangs ont changé la donne au sein de la prison

Sylvie*, agente de services correctionnels

Ce dernier insiste également sur le fait que de nombreux employés qui conseillent la direction dans les établissements de détention ne connaissent pas le milieu carcéral, «voire n’y ont jamais travaillé». Une situation que dénonce aussi Sylvie.

Si les choses ne changent pas, plaident-ils, le recrutement deviendra encore plus difficile. D’autant plus que les plus jeunes préfèrent se tourner vers le système fédéral, où les conditions de travail sont plus séduisantes.

Contacté, le ministère de la Sécurité publique n’avait pas immédiatement répondu à nos questions.

* Son prénom a été changé afin de préserver son identité

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