Cours de danse inclusifs: la poésie des corps
Dans des locaux accessibles, Corpuscule Danse enseigne la danse inclusive entre des participants avec et sans handicap. Les cours pour enfants, adolescents et adultes éveillent le potentiel chorégraphique des corps: les «superpouvoirs». Un espace adapté où l’imagination transgresse les pensées limitantes qui invalident les personnes en situation de handicap.
«Moi, je sais m’adapter. Ne me mets pas des limites parce que toi, tu en es incapable!», confie Ofélie Séguin, danseuse de 12 ans originaire de Boisbriand, qui fait un avec son fauteuil roulant aux accents roses fluo.
Ofélie suit les ateliers qu’offrent Corpuscule Danse depuis ses cinq ans, soit l’âge minimum pour s’inscrire aux cours pour enfants. Atteinte d’amyotrophie spinale, une maladie dégénérative qui touche une personne sur 10 000, l’exercice physique lui évite l’atrophie de ses muscles. La préado alterne entre la massothérapie, la physiothérapie, l’ostéopathie et la réadaptation par la stimulation électrique fonctionnelle. En plus, elle doit faire des exercices seule chez elle. La danse lui accorde un répit récréatif avec son corps.
Je m’amuse et je m’entraîne sans m’en rendre compte!
Ofélie Séguin
Corpuscule Danse est l’une des rares écoles à Montréal qui organise des ateliers de danse inclusive. Dans ses locaux loués à l’UQAM, des danseurs professionnels apprennent aux participants à mobilité diversifiée à rendre le rapport à leur corps ludique. L’accent n’est pas mis sur la thérapie par la danse, mais sur l’adaptation de la pratique de la danse à tous les corps.
Découvrir ses «superpouvoirs»
Les participants sont invités à mettre en scène des poésies chorégraphiées selon leurs particularités, qui deviennent des «superpouvoirs»; assis comme debout, avec et sans béquilles, les combinaisons sont infinies!
L’un des «superpouvoirs» d’Ofélie est le wheelie, le basculement de son fauteuil qui repose sur ses deux roues arrière (comme sur la photo principale).
[La danse] m’a permis de faire des choses que je ne pensais pas être capable de faire
Ofélie Séguin
Une image vaut mille mots dans l’approche pédagogique qu’emploie Joanie Douville, enseignante de danse contemporaine chez Corpuscule depuis une dizaine d’années. Un de ses exercices de prédilection consiste à demander aux participants de montrer le premier geste qu’ils font au réveil. Certains ouvrent les yeux, d’autres s’étirent et certains se brossent les dents. Joanie va proposer de jouer avec ces gestes et de les répéter à des rythmes différents. L’humour et la créativité sont encouragés pour que les participants aux fonctionnalités diverses s’approprient l’interprétation artistique des mouvements.
Joanie est étudiante à la maîtrise en enseignement de la danse à l’UQAM et titulaire d’un certificat en psychologie. Blessée au pied pendant son baccalauréat en danse il y a environ quinze ans, elle a découvert la danse inclusive avec Corpuscule. L’école lui a permis de voir, comme pour Ofélie, la contrainte comme un atout. «Il y a toujours moyen d’apprendre!» Le concept l’a séduite au point de l’intégrer à sa pratique et de l’enseigner à son tour.
Inspirée par sa grande sœur
À trois ans, Ofélie se dandinait déjà au son de la musique, se souvient sa mère, Élaine Paquette. Cadette de quatre filles, la jeune artiste a grandi en admirant l’aînée, Rosalie, elle-même danseuse classique. Elle s’est dit «Moi aussi je suis capable, comme ma grande sœur!»
Mais les cours de danse pour les personnes en situation de handicap sont rares et peu ouverts à l’idée d’accueillir des participants comme sa fille, déplore Mme Paquette. Elle raconte que sa fille s’est fait refuser l’inscription à plusieurs écoles de danse en 2022, dont une école de quartier accessible qui aurait permis à Ofélie de s’y rendre seule. Selon la mère, le milieu de la danse est «très conservateur» et freine sa propre transition vers l’inclusivité.
Ofélie apprécie l’infrastructure inclusive de Corpuscule, qui normalise la différence, alors que dans d’autres écoles, certains vont l’ignorer ou jouer avec les petites roues arrière de son fauteuil. Elle souhaite passer le message qu’elle «préfère ceux qui posent des questions» à ceux qui l’ignorent et que son fauteuil fait partie d’elle – y toucher la dérange.
Le capacitisme, ce concept qui limite le potentiel des personnes en situation de handicap, n’a pas sa place dans l’horaire chargé d’Ofélie. En plus de la danse, elle dessine, peint, suit des cours de ukulele et de chant en ligne, de piano proche de chez elle, ainsi que des cours à la Ligue nationale d’improvisation (LNI). Et elle dort 10 heures par jour, rassure sa mère et dévouée conductrice.
Depuis 2000, Corpuscule Danse, créé par France Geoffroy, Martine Lusignan et Isaac Savoie, offre des cours de danse intégrés «centrés sur l’esthétique et les possibilités de mouvance du corps atypique». Depuis une dizaine d’années, l’organisme a développé sa propre compagnie de danseurs professionnels qu’Ofélie vient tout juste d’intégrer.
Les ateliers de danse inclusifs sont coenseignés par deux professionnels à un groupe d’enfants, un autre composé d’adolescents et un d’adultes, dans des classes d’un maximum de douze participants. Une ou deux préposées aux bénéficiaires spécialement formées sont présentes pour répondre aux besoins spécifiques des participants.
La prochaine session de cours débutera le samedi 18 mars. Pour plus de détails, visitez le site web de l’école.