Ruée vers le «pot» récréatif en Californie
OAKLAND, Calif. — Des files de clients sont apparues très tôt, en ce 1er janvier 2018, alors que les Californiens peuvent se procurer légalement pour la première fois du cannabis à des fins récréatives.
La légalisation de la consommation pour le plaisir survient environ deux décennies après une première légalisation de la marijuana à des fins médicales dans cet État de la côte Ouest.
L’État le plus populeux des États-Unis s’ajoute à une liste sans cesse croissante d’États, en plus de la capitale nationale, où la consommation de cannabis récréatif est permise, même si le gouvernement fédéral continue de classer le «pot» dans la catégorie des «substances contrôlées» comme l’héroïne et le LSD.
En 2016, les électeurs de la Californie avaient voté pour la légalisation de la culture, de la possession et de la consommation du cannabis récréatif pour les adultes de 21 ans et plus, mais il était toujours interdit d’en faire le commerce jusqu’à lundi.
Reste que trouver une boutique qui vend du cannabis non médicinal en Californie demeure plutôt compliqué pour le moment. Seulement quelque 90 commerces ont obtenu un permis de l’État en prévision du 1er janvier.
Ces boutiques se trouvent à San Diego, à Santa Cruz, dans la région de la baie de San Francisco et dans la région de Palm Springs.
Les consommateurs vont devoir patienter dans les villes de Los Angeles et de San Francisco, alors que la réglementation locale n’a pas été adoptée à temps pour permettre d’attribuer des permis de vente.
Les autorités de la ville de Los Angeles ont annoncé en décembre qu’aucune demande de permis ne serait reçue avant le 3 janvier et qu’il pourrait s’écouler quelques semaines avant que les premiers permis soient accordés.
Par ailleurs, les villes de Fresno, Bakersfield et Riverside font partie des municipalités qui ont choisi d’interdire la vente de cannabis récréatif sur leur territoire.
Un moment très attendu
Parmi les tout premiers clients à faire la file lundi, il y avait Jeff Deakin et sa femme, qui ont patienté toute la nuit avec leur chien devant une boutique de Harborside, un fournisseur de longue date de cannabis thérapeutique à Oakland.
L’homme de 66 ans et sa femme étaient les premiers parmi une centaine de clients à franchir les portes du commerce à 6h, lundi matin. La boutique offrait des joints à un cent et des chandails gratuits avec l’inscription «Flower to the People — Cannabis for All».
«Ça fait tellement longtemps depuis la dernière fois où l’on a pu entrer quelque part où l’on se sent en sécurité et où l’on peut acheter un bon produit sans devoir se cacher dans la ruelle. C’est quelque chose de majeur pour tout le monde», a commenté M. Deakin.
Tout juste après les douze coups de minuit, certains Californiens ont levé leur joint plutôt que leur verre de champagne.
La Californie a banni le cannabis en 1913, selon un historique retracé par l’Organisation nationale pour la réforme des lois sur la marijuana (appelée NORML).
La première tentative de faire annuler l’interdiction par un vote populaire a échoué en 1972, mais trois ans plus tard, l’État a réduit à une simple infraction mineure la possession de moins d’une once de cannabis.
En 1996, malgré l’opposition des forces de l’ordre, des conseillers du président Bill Clinton et de trois anciens présidents des États-Unis, les électeurs de la Californie ont voté pour la légalisation de la marijuana médicinale.
Vingt ans plus tard, les électeurs ont appuyé la légalisation de la marijuana à des fins récréatives et ont accordé un an à l’État pour encadrer la commercialisation afin qu’elle entre en vigueur en 2018.
L’Association des directeurs de services de police de la Californie, qui s’est opposée au référendum pour la légalisation du cannabis, continue de craindre les effets sur les jeunes et la présence de conducteurs aux facultés affaiblies.
Pour le moment, les boutiques sont autorisées à vendre de la marijuana cultivée sans contrôle réglementaire, mais l’État prévoit exiger des analyses sur la teneur en tétrahydrocannabinol (THC) du produit et la présence de contaminants.
Un programme de traçabilité du produit, de la semence à la consommation, ainsi que l’adoption de contenants à l’épreuve des enfants vont aussi être exigés.
Selon un rapport commandé par le gouvernement de la Californie, en 2016, 13,5 millions de livres de cannabis ont été produits sur son territoire. Quatre-vingts pour cent de cette récolte a été exportée illégalement. Des 20% restants, seulement le quart aurait été vendu légalement à des fins médicinales.
Ce qui laisse croire que l’important marché noir va demeurer bien en place, surtout que l’ajout de taxes et de frais fera grimper le prix du «pot» légal d’environ 70%.