Bolsonaro minimise les incendies en Amazonie et s’en prend à la presse
Le président brésilien Jair Bolsonaro a de nouveau minimisé jeudi la gravité des incendies qui sévissent en Amazonie, alors qu’est entrée en vigueur l’interdiction temporaire des brûlis agricoles dans tout le pays.
Il «n’est pas vrai» que la forêt amazonienne soit «en feu», a affirmé M. Bolsonaro en direct sur Facebook, tout en assurant que «les incendies cette année sont inférieurs à la moyenne de ces dernières années».
Il a accusé la presse brésilienne de «nourrir» l’inquiétude internationale à ce sujet.
La déclaration du président intervient alors que jeudi est entrée en vigueur l’interdiction temporaire des brûlis agricoles, annoncée pour freiner la progression des incendies en Amazonie et tenter de démontrer la réactivité du Brésil.
Mais beaucoup doutent de l’efficacité de cette mesure.
Par ailleurs, le Brésil a accueilli très fraîchement une idée avancée par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres d’une réunion sur l’aide à l’Amazonie en marge de la prochaine assemblée générale.
L’entrée en action de l’armée brésilienne le week-end dernier n’a encore pas eu d’effets probants: plus de la moitié des 1628 nouveaux départs de feu enregistrés en 24 heures par l’Institut national de recherche spatiale (INPE) l’ont été en Amazonie, malgré le déploiement de 18 avions et 3900 hommes.
Le nombre d’incendies évoluait de manière très inégale dans les neuf états amazoniens, avec de fortes hausses mais aussi de nettes baisses.
Il n’était pas possible d’attribuer ces dernières à l’intervention de l’armée, qui ne communique pas sur ses opérations, et alors que des pluies ont arrosé certaines régions.
Un premier avion bombardier d’eau financé par l’aide d’urgence de 20 M$ décidée par le G7 a décollé mercredi au Paraguay pour lutter contre les incendies de la forêt amazonienne, en coordination avec le Chili, a annoncé jeudi la présidence française.
D’autres devaient décoller prochainement, notamment vers la Bolivie, pays lui aussi très touché par les feux de forêt.
Dans l’attente d’une réponse de M. Bolsonaro, qui a créé la confusion sur la volonté de Brasilia d’accepter ou non l’aide du G7, l’envoi d’avions bombardiers d’eau au Brésil n’était pas d’actualité.
La police a arrêté jeudi trois personnes pour avoir incendié plus de 5000 hectares dans une zone protégée de l’état amazonien du Para.
Les impressionnantes images de zones entières de la forêt tropicale dévorées par les flammes ont provoqué l’émotion dans le monde et mis M. Bolsonaro sous pression.
Son décret suspendant pendant deux mois le recours aux brûlis dans tout le Brésil, sauf certaines exceptions, est entré en vigueur jeudi.
Les brûlis sont pratiqués le plus souvent pour faire de la place aux cultures agricoles et à l’élevage bovin, gros secteur exportateur du Brésil.
Mais un grand scepticisme prévalait quant à l’efficacité de cette mesure.
«Il est difficile de croire que cela aura le moindre impact sur le terrain», a dit à l’AFP Rodrigo Junqueira, agronome et porte-parole de l’Institut socio-environnemental.
«Celui qui brûle (la forêt) sans permis ne va pas respecter» un décret.
Pour Daniel Azevedo Lobo, procureur à Rondônia, Etat amazonien du nord-ouest du Brésil, «70% de la déforestation est due aux activités d’organisations criminelles, et non d’individus isolés», et «il faut attaquer le problème à la source».
«Dans le Rondônia, comme dans toute l’Amazonie, il y a des groupes organisés qui envahissent les terres. Ce sont souvent des coupeurs de bois qui s’accaparent ces terres et débitent les arbres sur place», explique-t-il. «Il manque beaucoup de contrôles à Rondônia».
Au Japon, le secrétaire général de l’ONU a souhaité «une réunion dédiée à la mobilisation de soutiens» à l’Amazonie en marge de l’Assemblée générale, du 20 au 23 septembre.
«La situation en Amazonie est, clairement, très grave», a déclaré Antonio Guterres.
«La communauté internationale doit se mobiliser avec force pour soutenir les pays d’Amazonie afin de mettre fin aux incendies aussi rapidement que possible, par tous les moyens possibles, et mener ensuite une politique complète de reforestation».
«Le secrétaire général de l’ONU n’a pas parlé de cette affaire avec le gouvernement brésilien, nous se sommes pas au courant», a déclaré le ministère des Affaires étrangères, interrogé par l’AFP. «Il serait important que les autorités étrangères connaissent mieux la politique du Brésil en matière d’environnement (…) et qu’elle s’informent (…) de la situation en Amazonie et des mesures prises pour combattre les incendies, avant de proposer de nouvelles initiatives».
Mercredi, M. Bolsonaro avait alimenté une polémique déjà vive avec le président français Emmanuel Macron en demandant pour la deuxième fois en deux jours que ce dernier «retire ses insultes».
«Nous pourrons nous parler quand il se sera rétracté après ce qu’il a dit contre ma personne.»
M. Macron avait accusé M. Bolsonaro d’avoir «menti» sur ses engagements environnementaux puis estimé que la question de la souveraineté de l’Amazonie, que neuf pays abritent, était ouverte.
La France a été copieusement attaquée par le gouvernement brésilien, et M. Bolsonaro a traité de M. Macron de «colonialiste» avant de s’en prendre à son épouse Brigitte.
Jair Bolsonaro a aussi accusé la France et l’Allemagne «d’être en train d’acheter (la) souveraineté brésilienne» sur l’Amazonie avec l’offre d’aide financière du G7.