Israël se rapproche de nouvelles élections
Israël se rapproche-t-il de l’Italie, habituée aux élections à répétition? La question se pose plus que jamais après l’échec mercredi du rival de Benjamin Netanyahu, Benny Gantz, à former un gouvernement risquant ainsi de plonger l’état hébreu dans une troisième élection en moins d’un an.
«J’ai soulevé chaque pierre pour tenter de former un gouvernement d’union nationale», a déclaré M. Gantz lors d’une conférence de presse à Tel Aviv après avoir annoncé au président Reuven Rivlin être «incapable de former un gouvernement».
À l’issue des élections nationales de septembre, qui n’avaient pas produit de vainqueur clair, puis de l’échec de M. Netanyahu à composer une majorité, le président israélien avait confié à Benny Gantz une mission presque impossible: faire bouger les lignes politiques.
L’ancien chef de l’armée, pourtant rompu aux opérations militaires complexes, devait dénouer ce que des commentateurs locaux nomment en hébreu «plonter», un «sac de noeuds» en français.
En clair, il devait parvenir à rallier suffisamment de voix pour atteindre les 61 soutiens, seuil de majorité, à la Knesset, le Parlement israélien.
Pour ce faire, deux grandes options s’offraient à lui: convaincre le chef du parti nationaliste Israel Beitenou, Avigdor Lieberman, de former une coalition avec la gauche soutenue de l’extérieur par les partis arabes, ou s’entendre avec M. Netanyahu.
Gantz face à un «mur»
Après des semaines de tractations, de tergiversations, de circonvolutions, M. Lieberman a fermé la porte à cette option mercredi, dernier jour du mandat de M. Gantz pour tenter de composer un cabinet.
Et M. Netanyahu, à la tête d’un «bloc» réunissant son Likoud et des partis de droite et ultra-orthodoxes, n’a pas plié sur son exigence d’être le premier à la tête du gouvernement dans le cadre d’une rotation avec M. Gantz.
«Je me suis heurté à un mur composé des perdants (des élections) qui ont tout fait pour empêcher les citoyens israéliens de bénéficier d’un gouvernement sous ma direction», a déclaré M. Gantz, généralement circonspect mais cette fois-ci mordant.
«Netanyahu a privilégié ses intérêts personnels (…) et doit se rappeler que nous sommes encore en démocratie et que la majorité du peuple a voté pour une politique différente de la sienne», a ajouté M. Gantz.
«Le peuple ne peut pas être otage d’une minorité extrémiste», a fait valoir l’ex-militaire qui cherchait à former un gouvernement d’union «libéral».
Impasse
Le président Rivlin peut désormais donner trois semaines aux députés de la Knesset, le Parlement israélien, pour lui proposer des noms d’élus susceptibles de réussir là où les deux grands chefs de parti ont échoué.
M. Rivlin dit ouvertement vouloir éviter la tenue d’une troisième élection en un an, après les scrutins d’avril et de septembre qui n’avaient pas permis de départager clairement MM. Netanyahu et Gantz.
Là, une autre inconnue pourrait s’inviter dans les tractations: une décision de justice attendue début décembre sur une éventuelle inculpation de Benjamin Netanyahu pour «corruption», «malversation» ou «abus de confiance» dans différentes affaires.
Une inculpation pourrait minimiser les chances de M. Netanyahu, le plus pérenne des premiers ministres de l’histoire israélienne, de rallier les appuis de députés de la Knesset. Mais une exonération pourrait convaincre des élus encore réticents à le joindre dans une coalition.
Si, au terme de cet éventuel nouveau délai, aucune personnalité politique ne parvient à s’imposer à la tête du gouvernement, l’État hébreu retournera aux urnes…
Un scénario à l’italienne, en référence à ce pays habitué aux élections à répétition, ironisent déjà des commentateurs et des Israéliens, embêtés par ce «sac de noeuds» politiques.
«La route menant à la formation d’un gouvernement n’a jamais été dans une si grande impasse», résumait mercredi le commentateur Ben Caspit, dans le quotidien Maariv. «Nous allons avoir besoin d’un miracle pour éviter une troisième élection».
Interrogé sur cette saga sans fin, le premier ministre Netanyahu avait répondu mercredi d’une boutade: «J’ai commencé à apprendre l’italien pour comprendre comment les autres pays gèrent leur sac de noeuds».