Weinstein est un prédateur sexuel «expérimenté», affirment les procureurs
Le producteur de cinéma Harvey Weinstein est un violeur et prédateur sexuel «expérimenté», qui ciblait délibérément de jeunes actrices vulnérables, ont affirmé les procureurs à l’ouverture de son procès mercredi à New York, accusations balayées par la défense qui a promis de révéler les «incohérences» de ses accusatrices.
En cravate et costume sombre, l’ex-magnat d’Hollywood, 67 ans, catalyseur du mouvement #MeToo, écoutait en secouant la tête ou passant des notes à ses avocats, tandis que la procureure Meghan Hast le décrivait comme une brute de 135 kilos ayant violé, humilié et traumatisé des femmes durant des années.
«Il apparaîtra clairement pendant le procès que l’accusé savait qu’il ciblait des (femmes) naïves et sans défense», a-t-elle affirmé.
«Elles ne savaient pas qu’il mentait pour les attirer. Elles croyaient que leur carrière décollait enfin. Il était comme la vieille dame de la maison en pain d’épices qui attire les petits enfants chez elle», a déclaré la procureure devant une salle d’audience pleine à craquer.
Mme Hast a décrit en détails, parfois très crus, les agressions subies par les trois principales femmes appelées à témoigner lors du procès. À commencer par la plus célèbre d’entre elles, l’actrice Annabella Sciorra, de la série Les Soprano, qui accuse Harvey Weinstein de l’avoir violée, chez elle, en 1993, après l’avoir rendue «accro» au valium.
«Il l’a laissée émotionnellement et physiquement brisée, inconsciente sur le plancher», selon Mme Hast.
Quant à Mimi Haleyi, ex-assistante de production qui accuse M. Weinstein de l’avoir agressée sexuellement en 2006, M. Weinstein l’a laissée «inanimée, comme un poisson mort», a affirmé la procureure.
La troisième femme citée mercredi matin, qui accuse M. Weinstein de l’avoir violée en 2013, a été identifiée pour la première fois comme l’actrice Jessica Mann, vue dans la comédie Cavemen (2013).
Elle a été traitée comme «une poupée de chiffons», selon la procureure.
Les agressions présumées contre Mimi Haleyi et Jessica Mann sont les seules dont doit répondre M. Weinstein lors de ce procès ultra-médiatisé, qui doit durer jusqu’au 6 mars.
Le témoignage d’Annabella Sciorra — même si son agression présumée est trop ancienne pour donner lieu à des poursuites — doit montrer que M. Weinstein était un prédateur avéré.
Au total, plus de 80 femmes, parmi lesquelles des stars comme Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Léa Seydoux, ont depuis octobre 2017 accusé le co-fondateur du légendaire studio Miramax de harcèlement et d’agressions sexuelles, souvent lors de grands festivals comme Cannes, Sundance ou Toronto. Mais la plupart des faits sont anciens et prescrits.
En cas de condamnation, ce New-Yorkais pure souche, père de cinq enfants et divorcé deux fois, risque la perpétuité.
Une condamnation serait une victoire pour le mouvement #MeToo: si des dizaines d’hommes de pouvoir ont été accusés d’agressions sexuelles depuis octobre 2017, la quasi-totalité ont échappé à des poursuites pénales. Le mouvement espère mettre fin à cette impunité.
Mais la défense compte montrer que ces accusatrices ne sont pas crédibles.
Les faits «ne vont pas montrer qu’Harvey Weinstein était un prédateur, au contraire», a assuré un de ses avocats, Damon Cheronis, dans sa plaidoirie.
Selon lui, la défense détient des centaines de mails montrant que Jessica Mann et M. Weinstein avaient «une relation d’amour», Mme Mann lui écrivant en 2017 «l’aimer toujours».
Il a aussi laissé entendre qu’Annabella Sciorra avait autorisé M. Weinstein à venir jusqu’à son appartement, et ne pas avoir initialement estimé avoir été violée.
M. Cheronis a aussi dévoilé les noms de trois autres accusatrices que les procureurs devraient citer comme témoin: les actrices Dawn Dunning, Tarale Wulff et Lauren Young.
Selon l’avocat, leurs déclarations passées révèlent des «incohérences».
L’une aurait affirmé que, lors de son agression en Californie, elle avait été enfermée dans une salle de bains depuis l’extérieur de la pièce, alors qu’il «n’y a aucune chambre d’hôtel en Californie» où la salle de bains se verrouille de l’extérieur, selon M. Cheronis.
«Vous arrivez tous ici avec des notions sur Harvey Weinstein», a-t-il lancé aux jurés, cinq femmes et sept hommes. «Mais ce n’est pas la vérité, ce n’est pas ce qui s’est passé (…) Je vous demande de faire ce qui est juste, pas ce qui est populaire.»
La procureure-en-chef, Joan Illuzzi-Orbon, a ensuite appelé le premier témoin, Lance Maerov, ex-membre du conseil d’administration du studio The Weinstein Company.
Aujourd’hui vice-président du géant de la communication WPP, il a indiqué que M. Weinstein se vantait souvent de fréquenter des gens haut placés, comme les Clinton, et montrait en privé une personnalité «diamétralement opposée» de l’homme charmant qu’il était en public.
«Vous n’aimez pas M. Weinstein, n’est-ce pas?» l’a relancé l’avocate en chef de la défense, Donna Rotunno.
«Pas particulièrement», a répondu M. Maerov.