Coronavirus: les États-Unis agiront-ils contre l’extrême inégalité sociale?
Le coronavirus a mis en lumière l’extrême inégalité sociale aux États-Unis. Mais cette pandémie inédite, qui n’épargne ni les riches ni les pauvres, peut-elle être le catalyseur de réformes en faveur d’une protection sociale pour tous?
Jusqu’à présent, de nombreux Américains n’ont pas pu se faire dépister pour le coronavirus faute de pouvoir payer les coûts du test non couverts par leur assurance. De nombreux autres, potentiellement infectés, continuent de travailler car ils ne bénéficient pas de congés maladie payés.
D’autres encore s’inquiètent d’une possibilité de 15 jours de quarantaine forcée quand leur employeur ne rémunère que cinq ou sept jours de congés maladie.
«Nous ne pouvons pas vivre dans une nation où si vous avez de l’argent, vous obtenez le traitement dont vous avez besoin pour survivre et si vous êtes de la classe ouvrière ou pauvre vous êtes en fin de vie», a réagi jeudi le sénateur Bernie Sanders, en lice pour l’investiture démocrate. «Ce serait moralement inacceptable».
«Le virus envoie un message clair: tous les Américains sont en danger si les plus pauvres d’entre nous n’ont pas accès aux avantages de base que sont les congés maladie et les soins de santé», résume Edward Alden, professeur à l’Université Western Washington.
Débat sur les congés maladie payés
Depuis des années, les congés maladie payés constituent un clivage politique, les démocrates recommandant principalement de les rendre obligatoires quand les républicains s’y opposent, arguant qu’ils représentent un fardeau pour les employeurs.
Face à la pandémie de nouveau coronavirus, qui gagne du terrain sur le sol américain, le débat resurgit. Et la pression monte sur l’administration Trump.
«Nous ne pouvons pas lutter efficacement contre le coronavirus à moins que tous ceux dans notre pays qui doivent être testés sachent qu’ils peuvent passer leur test gratuitement», a ainsi martelé jeudi la présidente démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi.
Elle a déploré l’incapacité à ralentir l’épidémie du fait que les travailleurs doivent faire «le choix terrible» entre rester à la maison pour éviter de propager la maladie et être payés pour nourrir leur famille.
Outre le dépistage gratuit pour tous, les démocrates demandent un congé maladie d’urgence d’une durée de 14 jours ainsi qu’un congé maladie pour les familles allant jusqu’à trois mois. Ils exhortent aussi à augmenter l’assurance chômage, des propositions qui font grincer des dents les républicains à la Chambre.
«Je prendrai bientôt une mesure d’urgence sans précédent pour apporter une aide financière», a annoncé mercredi soir le président américain Donald Trump avant d’affirmer jeudi que les compagnies d’assurance renonceraient à faire payer les frais de dépistage.
Les Centres américains de contrôle des maladies (CDC) avaient les premiers exhorté les entreprises à faire preuve de flexibilité dans leur politique de congés maladie.
«Le congé maladie est certainement quelque chose que nous devons examiner de près, je pense que c’est une aide très pratique et très importante pour les gens», a déclaré de son côté le sénateur républicain Josh Hawley au Washington Post.
Mais la question est de savoir si ces mesures, envisagées à titre temporaire, pourraient être pérennisées.
Contexte électoral aux États-Unis
Pour Edward Alden, la coïncidence de la pandémie avec la campagne électorale, dans laquelle les lacunes du système de sécurité sociale et des soins de santé font débat, est «un moment particulièrement opportun pour s’attaquer à ces problèmes de longue date».
«Aujourd’hui, quelque 87 millions d’Américains ne sont toujours pas assurés ou mal assurés», avait déploré mercredi Bernie Sanders.
«L’absurdité de notre système de santé est de plus en plus flagrante à mesure que nous sommes confrontés au défi du coronavirus», a-t-il ajouté dans un tweet exhortant à «un medicare pour tous», c’est à dire une couverture santé publique pour tous et non pas seulement pour les plus âgés.
Mais la capacité des deux camps à trouver un consensus pour acter dans la loi des changements en faveur de la généralisation d’avantages sociaux pourrait s’avérer difficile une fois la pandémie passée.
Quelque 73% des travailleurs du privé bénéficient d’un congé maladie, selon les dernières données du département du travail. Mais ce taux tombe à 43% pour les personnes travaillant à temps partiel, notamment celles du secteur de la restauration et de l’hôtellerie.
Les employés des riches entreprises high tech comme Google et Apple, qui bénéficient d’avantages sociaux substantiels, ne sont ainsi par exemple pas à l’abri d’être contaminés par des employés de leur cafétéria ne se mettant pas en congé.
Même chose pour les Américains les plus aisés qui continuent d’aller au restaurant.
Pour la première fois depuis probablement la Seconde Guerre mondiale, tous les Américains sont confrontés à «un ennemi commun», reprend Edward Alden.
Les États-Unis ont dépassé mercredi la barre des 1300 cas d’infection au nouveau coronavirus et près de 40 personnes sont décédées, selon l’université américaine Johns Hopkins.
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