Témoins québécois en Écosse
Jeudi, plusieurs politiciens québécois seront en Écosse afin d’être témoins du référendum sur l’indépendance. Métro a demandé à trois d’entre eux d’expliquer comment ils croient que le Québec peut apprendre de l’expérience écossaise. Le Parti québécois, Québec solidaire et Option nationale se sont prêtés à l’exercice. Le Parti libéral du Québec et la Coalition avenir Québec, eux, ne seront pas représentés en Écosse.
Alexandre Cloutier
Parti québécois, député de Lac-Saint-Jean
Pourquoi vous rendre en Écosse à l’occasion du référendum?
J’ai étudié en Angleterre en 2004 et je me suis ensuite intéressé au mouvement souverainiste écossais. J’ai tissé des liens avec le Scottish National Party (parti souverainiste au pouvoir) depuis que je suis député, j’ai assisté à de nombreux congrès et j’ai également rencontré des ministres écossais, etc. Ce voyage s’inscrit donc dans une suite d’événements que j’observe depuis de nombreuses années. Sur place, je rencontre des groupes de la société civile, des gens d’affaires et des groupes d’intellectuels pour bien comprendre le projet lui-même.
Croyez-vous que le résultat du vote aura un impact au Québec?
On peut d’ores et déjà parler d’un grand succès. Il y a un an, personne ne pensait sérieusement aux chances du mouvement indépendantiste d’aller chercher plus de 40% d’appuis. Aujourd’hui, les deux camps sont au coude à coude dans les sondages. Ça me convainc que les indépendantistes ont choisi une approche qui est la bonne.
Y a-t-il des leçons à tirer de la campagne écossaise pour votre parti?
Le projet de pays québécois ne peut pas seulement se définir en réaction à l’autre. Les nouveaux arrivants sont des supporters importants du mouvement souverainiste en Écosse. Je rêve pour le Québec d’un camp du Oui asiatique, maghrébin ou italien, etc. Pour que la prochaine fois soit la bonne, il faut présenter un projet ouvert sur le monde et sur la diversité.
L’entente entre Londres et Édimbourg sur les règles du référendum devrait-elle faire école au Québec?
La nécessité d’une question claire et de reconnaître un 50% + 1 ne fait plus vraiment de doute aujourd’hui. Toutefois, s’il y a un exemple à suivre, c’est que les Écossais ont un socle commun qui porte le projet indépendantiste alors que chez nous, depuis le référendum de 1995, les voix sont disparates.
Viviane Martinova-Croteau
Option nationale, candidate dans Robert-Baldwin
Pourquoi vous rendre en Écosse à l’occasion du référendum?
Le Réseau Québec-Monde, qui organise du tourisme politique, m’a invitée à me joindre à sa délégation. À Édimbourg, je rencontre des acteurs politiques locaux, autant des porte-parole du Oui que du Non, ainsi que des députés. Je souhaite me renseigner sur la question nationale écossaise, mais aussi assister à un moment historique. Ce sera un souvenir extraordinaire pour le restant de mes jours.
Croyez-vous que le résultat du vote aura un impact au Québec?
Un Oui aurait sans l’ombre d’un doute un impact ici. Pas tant parce que ça fouetterait les souverainistes, mais plutôt parce que ça nous donnerait une espèce de modèle. Quand on arrivera à se poser la question une nouvelle fois, parce que je crois sincèrement qu’on va se reposer la question dans l’avenir, ça nous donnera une sorte de marche à suivre. Si c’est un Non, peut-être qu’on devra tout simplement se dire qu’on doit être les premiers à faire l’indépendance!
Y a-t-il des leçons à tirer de la campagne écossaise pour votre parti?
La joute se déroule beaucoup sur le terrain économique; c’est une campagne très pragmatique. Bien sûr, il y a une part émotionnelle dans le discours, mais ce que je trouve très beau, c’est que la campagne du Oui est extrêmement inclusive. On l’a vu dans tous les sondages: les minorités ethniques et les descendants d’immigrants sont aussi partagés que les Écossais de plusieurs générations entre le Oui et le Non. C’est cette question qui m’intéresse: comment réussir à ce que tous se sentent concernés?
L’entente entre Londres et Édimbourg sur les règles du référendum devrait-elle faire école au Québec?
Le message est extrêmement clair, la question est claire, et on s’est entendus sur la reconnaissance d’une majorité simple. Fixer des règles claires sans ambiguïté est un exemple à suivre.
Alexandre Leduc
Québec solidaire, candidat dans Hochelaga-Maisonneuve
Pourquoi vous rendre en Écosse à l’occasion du référendum?
En compagnie d’une cinquantaine de Québécois du Réseau Québec-Monde, j’ai l’occasion de rencontrer chaque jour des politiciens, des journalistes, des professeurs et des militants. Nous mettons l’accent sur la campagne du Oui, mais nous rencontrons aussi des gens du Better Together, la campagne du Non. Mon parti m’a également chargé d’une mission supplémentaire, celle de tisser des liens avec les partis progressistes de la scène politique écossaise.
Croyez-vous que le résultat du vote aura un impact au Québec?
Si le Oui l’emporte, ce sera certainement un coup de fouet. Pour utiliser une image un peu caricaturale, c’est l’Empire britannique qui se démantèle si l’Écosse devient indépendante. Je ne dis pas que, advenant un Oui, les intentions de vote pour la souveraineté vont grimper de 10 % demain matin. Par contre, ce sera un énorme électro-choc quant à la faisabilité de l’indépendance.
Y a-t-il des leçons à tirer de la campagne écossaise pour votre parti?
La grande leçon, c’est que les fameuses thèses identitaires mises de l’avant par le Parti québécois sont un échec. En Écosse, on a fait exactement le contraire. On a concentré le discours sur l’économie, la social-démocratie et la rupture avec l’austérité conservatrice de Londres. Et surtout, la campagne du Oui réussit à trouver des appuis dans les communautés culturelles, ce qui a toujours été la bête noire des souverainistes québécois.
L’entente entre Londres et Édimbourg sur les règles du référendum devrait-elle faire école au Québec?
On a fait un gentleman’s agreement. Les règles du jeu sont claires, et je suis certain que ça contribue à rendre le débat plus agréable. Une des raisons pour lesquelles les libéraux ici ont pu jouer aussi habilement du hochet de la menace référendaire, c’est que les deux référendums au Québec ont laissé des souvenirs un peu amers, dont beaucoup d’histoires de chicanes.