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«Cybercharia» au Bangladesh

Quand ce n’est pas la machette, c’est le couteau. Il n’est pas bon de prôner la laïcité au Bangladesh. Même si cela finit dans une mare de sang, les manchettes internationales en tiennent à peine compte.

À 90% musulman, l’ancien Pakistan oriental, indépendant depuis 1971 à l’issue d’une guerre qui aurait fait trois millions de morts, attire l’attention médiatique quand des immeubles s’effondrent sur des ouvriers du textile ou lorsque des cyclones meurtriers se déchaînent sur ses côtes, où vit la majorité de ses 160 millions d’habitants.

«Si tu veux sauver ta peau, reviens vers Dieu!» Les menaces ne sont jamais voilées, et les blogueurs athées finissent par recevoir le «châtiment suprême».

Ils ont moins de «chance» que le Saoudien Raif Badawi qui, lui, a été condamné en 2014 à 1000 coups de fouet, répartis sur 20 semaines, pour avoir dit que «tout
le monde a le choix de croire ou non».

Les intégristes du Bangladesh prêchent en toute légalité dans bon nombre des 25 000 écoles coraniques du pays. Officiellement laïc, le Bangladesh vit sous un régime de démocratie parlementaire. Il est dirigé par Sheikh Hasina. Une femme.

Depuis le début de l’année, une demi-douzaine de «mécréants» du cyber­espace ont été assassinés. Le dernier est mort le samedi 31 octobre. Leurs meurtres, en pleine rue ou à leur domicile, font à peine froncer les sourcils de la communauté internationale. Les mani­festations sont rares, et les islamistes en profitent pour réclamer une loi anti blasphème, comme au Pakistan où plus d’un millier de personnes ont été exécutées ces dernières années.

Dans leur mire se trouve encore et toujours Taslima Nasreen, la romancière la plus connue du Bangladesh, qui a fui son pays en 1994 pour échapper à une campagne de terreur lancée par des extrémistes voulant la pendre pour son athéisme et ses idées féministes.

Réfugiée en Inde et depuis quelques semaines aux États-Unis, celle qui se bat contre ce qu’elle appelle «l’obscurantisme religieux» craint à présent que son pays, l’un des plus pauvres de la planète, bascule dans l’islamisme.

Les blogueurs restés au Bangladesh et défendant le sécularisme en sont convaincus.

Le radicalisme religieux n’est bien sûr pas propre à l’islam. Il y a trois ans, le Pew Research Center – un think tank américain basé à Washington – rappelait que près d’un pays sur deux dispose de lois pénalisant le blasphème. Dans la très catholique Irlande, par exemple, l’insulte à la religion est passible d’une amende. Il n’y a eu, pour l’instant, aucune condamnation.

Les blogueurs laïcs du Bangladesh prennent désormais au sérieux les fondamentalistes et leur lecture très particulière de la charia, qui règlemente l’ensemble des droits et des devoirs des musulmans.

Ils ont choisi la clandestinité, déménagent sans cesse et signent sous des pseudonymes.

Atteinte à la liberté d’expression, la «cybercharia» bat son plein au Bangladesh, loin des feux de l’actualité internationale.

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