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Encore 402 jours d’attente

Frontière
Andréanne Bissonnette - Métro

Une jeune femme demandant l’asile voit son cas être maintenu à El Paso, bien qu’elle habite maintenant la région de Dallas, l’obligeant à parcourir les neuf heures de route pour sa prochaine audience.

Un homme dans la cinquantaine demande un sursis de déportation, bien que son dossier porte des marques rendant presque impossible l’octroi d’un tel statut.

Une femme dans la quarantaine voit la cour confirmer que son mariage n’était pas en règle au moment de son entrée sur le territoire – portant donc une accusation d’entrée avec documents frauduleux à son dossier.

Spectatrice de cette succession de décisions, une famille comprenant trois jeunes enfants attend patiemment son tour. 

Tout cela se déroule au septième étage d’un bâtiment à l’apparence orwellienne, dans une des deux salles d’audience de la Cour fédérale d’immigration pour le district d’El Paso en activité ce jour-là. À l’entrée, une salle d’attente rappelle les urgences d’un hôpital. Ici, toutefois, ce sont des urgences différentes qui sont traitées, à un rythme à la fois trop rapide et trop lent, maintenant les migrant.e.s dans un perpétuel état d’attente et d’incertitude. 

Dans la première des deux salles, les audiences individuelles sont en cours. Un.e à un.e, les migrant.e.s attendent que le juge prononce les mots qui détermineront la suite des choses: la possibilité de rester ou le choc de la déportation.

Dans l’autre salle, j’assiste, impuissante, à ce déferlement de dossiers, où juge, avocats du gouvernement et avocats des demandeurs discutent d’un cas, d’un numéro, alors même que la personne dont la vie est en jeu est assise à côté de son avocat.e, assistant à une discussion qui pourrait altérer durablement le cours de sa vie. Cas après cas, une date d’audience individuelle est accordée: tou.te.s reviendront le 2 novembre 2020 à 13 h, soit dans 402 jours – une semaine avant les élections présidentielles. 

Avec un taux de rejet dépassant 95%, la Cour d’immigration d’El Paso n’est pas une des plus favorables aux demandeurs d’asile.

Bien que l’immigration soit une compétence fédérale, le positionnement de la personne sur le territoire et l’endroit où la demande est déposée influencent profondément la décision. 

Tous les jours, durant près de sept heures, la Cour d’immigration rend décision sur décision, affectant pour toujours la vie d’un nombre important d’individus.

Ainsi, les personnes présentant une demande dans les districts de New York, de San Francisco ou de Boston ont plus de chance de voir leur dossier accepté qu’une personne à Atlanta, à Chaparral ou à Houston. 

Tous les jours, durant près de sept heures, la Cour d’immigration rend décision sur décision, affectant pour toujours la vie d’un nombre important d’individus, certains arrivés sur le territoire depuis peu, d’autres ne connaissant nulle maison que les États-Unis, d’autres espérant pouvoir rester du côté états-unien et éviter d’être retourné à Juárez, sous le Migrant Protection Protocols, parmi les 14 000 migrant.e.s qui attendent l’appel de leur numéro.

L’humanité semble absente de la Cour, laissant place à l’industrie de la migration, la machine juridique états-unienne étant une étape de plus sur un chemin sinueux.

En effet, aujourd’hui, les avocat.e.s travaillent plus avec des politiques qu’avec des lois lorsqu’il est question d’immigration. 

Dans 402 jours, alors qu’on discutera politique et élections, je penserai à elles et à eux, espérant qu’ils ne feront pas partie des dommages collatéraux d’un système judiciaire travesti par la politique.

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