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Sans rassemblements, la santé mentale sera un enjeu à Noël

L’enjeu de la santé mentale à Noël
Photo: Archives/Métro

Pour la majorité des Québécois, Noël se fêtera seul cette année, ce qui amène des experts à lancer un cri du cœur pour la santé mentale.

Jeudi, le premier ministre François Legault a admis «une erreur». Deux semaines après avoir lancé son «contrat moral» avec les Québécois, il reculait. La situation épidémiologique liée à la COVID-19 était trop tendue.

D’un point de vue purement virologique et épidémiologique, c’était la chose à faire, ont lancé les partis d’opposition et de nombreux experts en santé publique.

D’ailleurs, l’Institut national de la santé et des services sociaux (INESSS) craint déjà un dépassement des capacités hospitalières dans les régions en-dehors du Grand Montréal. D’aucun craignaient que les rassemblements de Noël ne causent de nouvelles éclosions.

La mortalité est également à la hausse au Québec. Selon les dernières données de l’Institut de la statistique du Québec, il y a eu plus de décès au mois d’octobre que ce à quoi on devrait s’attendre en se basant sur la moyenne des dernières années. On demeure toutefois loin des milliers de décès supplémentaires enregistrés au printemps.

De faux espoirs

Mais le plan de Noël n’aurait jamais dû être annoncé, affirme le professeur en virologie Benoit Barbeau. Québec, croit-il, s’est placé dans une position difficile. «La première annonce a été précipitée», ajoute l’expert.

«Si je vous donne dix dollars et que je vous le reprends, ça fait deux fois plus mal», ajoute le pédiatre Olivier Drouin, professeur adjoint à l’Université de Montréal. Pour lui aussi, François Legault a entamé la confiance du public en annonçant des rassemblements de Noël avant de reculer, deux semaines plus tard.

«Ça fait deux fois plus mal de se faire enlever quelque chose que de ne pas se le faire donner. C’est un phénomène psychologique bien documenté», ajoute-t-il.

Et que dire du fait que, la veille, le premier ministre avait annoncé qu’une décision serait prise le 11 décembre. Elle est finalement venue moins de 24 heures plus tard. Une décision qui venait de lui et non de la santé publique, a-t-il souligné.

Vecteur de stress

Le virage à 180 degrés du premier ministre est susceptible d’engendrer de fortes hausses du stress chez certains Québécois, observe la professeure Marie-France Marin, spécialiste de ce phénomène à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

«Pour être stressé, il faut que notre situation réponde à l’un des critères suivants: qu’on n’ait pas le contrôle, que ça soit imprévisible, que ça soit nouveau ou que ça menace notre ego», explique-t-elle.

L’ajout et le retrait de règles sanitaires répond à au moins trois critères, fait remarquer Mme Marin.

«Notre corps peut être un peu fatigué de toujours devoir détecter les nouvelles règles. On accumule du stress depuis mars», souligne-t-elle

À la longue, observe la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, ce stress va se «chroniciser», c’est-à-dire qu’il va devenir chronique.

Dans le contexte, l’annulation des réunions de Noël est un «coup dur» pour la santé mentale, selon elle.

«Noël représentait vraiment une oasis. On avait l’impression qu’on pourrait s’abreuver un peu», dit-elle.

Un homme barricadé à Lévis

D’ailleurs, le soir-même de l’annonce que les rassemblements de Noël étaient annulés, le Service de police de Lévis et la Sûreté du Québec ont dû intervenir dans une résidence pour un homme armé en détresse psychologique.

Il s’agirait de Bruno Roy, un complotiste de Lévis. Ce soir-là, il a diffusé une vidéo en direct sur Facebook menaçant de tirer sur les policiers s’ils l’empêchaient d’avoir un rassemblement. De nombreux internautes ont réagi, craignant pour sa santé mentale.

«Défiez pas les maisons des Québécois, vous allez peut-être pogner un noeud solide. Je veux pas faire peur à personne, mais ce que j’ai dit, java le faire. Ok?», lance-t-il dans la vidéo avant de charger son arme.

Il s’est rendu pacifiquement aux policiers le lendemain vers 11h35.

Et maintenant?

Interrogé sur les actions qu’il comptait entreprendre pour apporter un soutien mental aux Québécois cet hiver, François Legault a répondu jeudi qu’«on ne peut pas aller plus loin» qu’offrir aux personnes seules de se visiter, à distance de deux mètres et en portant un masque en tout temps.

La réponse a fait réagir. Chez Québec solidaire, la coporte-parole Manon Massé l’a dénoncée. «Je ne sais pas pourquoi il a répondu ça. Je peux vous dire une chose, c’est que ce n’est pas satisfaisant», a-t-elle lancé.

Le parti d’opposition demande à Québec de penser à des alternatives sécuritaires, afin d’éviter une crise de santé mentale irréversible après Noël.

Geneviève Beaulieu-Pelletier invite les Québécois à aller chercher de l’aide s’ils en ont besoin. S’inscrire à la liste d’attente nationale pour les services en santé psychologique constitue une bonne première étape, indique-t-elle.

Les listes d’attentes s’étirent au Québec. De 16 000 clients cet été, elles ont gonflé à 18 300 selon les chiffres les plus récents du ministère de la Santé et des Services sociaux. «Si on n’a pas accès à de l’aide, l’hygiène psychologique de base, c’est majeur. Prendre soin de soi, bien dormir, ralentir le rythme», propose la psychologue.

«Continuez à rester en contact, de la façon la plus créative qui soit», implore Geneviève Beaulieu-Pelletier

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