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Vous buvez trop

CHRONIQUE – Il y a une chose que l’on remarque quand on ne boit pas : le moment exact où VOUS, qui buvez, tombez en état d’ébriété. Vos langues se délient, votre bouche devient pâteuse, votre regard hagard, vous commencez à vous répéter. Vous vous croyez subtil, mais vous êtes exactement comme un toddler la bouche toute barbouillée de brun affirmant avec le plus grand sérieux du monde n’avoir jamais mangé de chocolat de sa vie. À ce moment de la soirée, s’il y a une chose que la sobriété m’a apprise, c’est de ne pas vous dire que vous êtes saoul. Vous détestez ça.

Une autre chose que l’on remarque, quand on ne boit pas, c’est que chaque fois qu’on dit qu’on ne boit pas (l’alcool étant encore la seule drogue pour laquelle on vous demande d’expliquer votre abstinence), VOUS, qui buvez, nous expliquez comment VOUS, vous buvez : «Ah, mais moi c’est juste la fin de semaine!», «Moi non plus je ne bois pas. Ben, sauf de la bière là… », «Moi j’ai décidé de miser sur la qualité plutôt que la quantité». Vous êtes pire qu’un woke pas végan essayant de nous convaincre que le cochon bio équitable qu’il mastique a mené une belle vie avant d’être gentiment tué par un fermier non-binaire lui chantant une berceuse. Hey, m’en fous que vous buviez du pet nat seulement un jeudi sur quatre. Ce que je remarque, c’est que MA non-consommation d’alcool déclenche presque toujours chez mes interlocuteurs un grand besoin de justification.

L’autre affaire que l’on remarque, quand on ne boit pas, c’est que VOUS, qui buvez, n’aimez pas vous faire dire que vous buvez trop. Surtout si vous êtes le genre de personne à bien faire les choses : céder le passage aux piétons, tousser dans votre coude, manger des fibres. Ça vous met en dissonance cognitive : vous voulez bien faire, mais vous voulez AUSSI l’échapper le vendredi soir. Vous tenez à votre santé, mais vous voulez aussi découvrir cette nouvelle pale ale de microbrasserie. Dans les dernières années, vous vous êtes jetés sur les pseudo-études prétendant que le vin avait quelconques vertus comme la misère sur le pauvre monde. Vous n’avez PAS lu mes chroniques rabat-joie sur les conséquences néfastes de l’alcool. Vous avez bu les paroles d’Éduc’alcool qui vous apprenait à avoir un rapport top cool positif avec l’alcool même si parfois, 10-15 consommations par semaine, vous trouviez ça un peu pogné du beigne.

Ah, d’ailleurs, une autre chose qu’on remarque depuis plusieurs années quand on ne boit pas, c’est à quel point Éduc’alcool est à la solde du lobby de l’alcool. Mais une chose qu’on sait, quand on ne boit pas, c’est que vous ne m’écouterez pas moi, à ce sujet. Quelle crédibilité peut avoir une personne ayant décidé d’arrêter de consommer de l’alcool, sur la consommation NORMALE d’alcool ? Vous vous dites que si je ne bois pas, c’est sûrement parce que JE suis défectueuse, parce que J’AI un problème. En fait, peut-être que JE SUIS le problème. Je vous invite donc à écouter le documentaire d’un gars comme vous, Hugo Meunier, sur notre rapport trouble à l’alcool. Un gars qui boit normal, et qui découvre, à travers les recherches qui se démocratisent ces jours-ci, que finalement, sa consommation normale est peut-être… problématique. Mais vous ne le ferez pas. Je vous connais. Vous aimez trop votre petit rouge léger.

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