À chaque réalité, sa révolte

Hier soir au dépanneur, j’ai vu un ambulancier en pantalon d’armée. Si tu veux te camoufler dans un comptoir à gommes, champion, mets des pantalons bleu et jaune qui sentent la menthe. Le monde, des fois…

Ç’a l’air qu’ils sont en moyens de pression depuis janvier. On est bien, pareil. C’est quand même pas pire quand tu penses qu’au Tibet un homme s’est déjà immolé par le feu pour dénoncer l’invasion chinoise. Brûlé vivant. Assis sur la place publique. Ici, on met du linge funky. La comparaison est boiteuse, je sais. Un voit décimer son peuple, l’autre brette à avoir des meilleures assurances dentaires. À chaque réalité sa révolte.

C’est là que je veux en venir. La semaine passée, j’ai surfé sur la grève scolaire. Surtout sur l’argumentaire à propos de la rationalisation du «C’est pas si pire». Aux States c’est pire, puis deux bières de moins par semaine, les étudiants arriveraient. J’ai omis un «Pas si pire». Le fameux : «Les étudiants sont pourris gâtés! La vie est ben plus dure après l’université!» Maudit commentaire de mononcle de je dors en cuillère avec ma tondeuse!

La réalité est qu’il n’y a pas une réalité, mais plusieurs réalités. Plusieurs environnements, conditions, situations en lien avec la classe sociale, le groupe ethnique, l’âge, etc. Chaque réalité a ses causes justes à défendre, sans comparaison.

C’est comme à 7 ans quand tu dois faire un oral sur ton animal préféré, le cochon d’Inde. Oui, dans ta vie tu vas croiser des défis plus «importants», mais pas pour autant moins stressants pour le moment. Pour le moment, dans ta vie, dans ta réalité, de ce que tu connais de ton environnement, ça te fait freaker d’aller parler du cochon d’Inde devant la classe de tits amis. Un sentiment d’angoisse qui te donne des maux de ventre, ça n’a pas de sous-valeur. Même chose pour un sentiment d’injustice.

Quand j’étais au secondaire, la direction avait voulu nous imposer des uniformes. Ils ont vite compris que ça ne marcherait pas avec les secondaires 3, 4, 5. Alors ils les ont imposés progressivement aux secondaires 1 et 2. Puis, trois ans plus tard, toute l’école était uniformisée. Aujourd’hui, je ne peux pas dire que je suis autant contre les uniformes. En tout cas, moins que quand j’avais des broches et trop de gel. Mais je ne vais jamais dénigrer, mépriser ma révolte de l’époque, parce que pour moi, dans ma réalité, elle était légitime.

Alors SVP, arrêtez ça les «sont gâtés, plus tard la vie est plus dure». Y a pas de plus tard, y a pas de plus dure. Y a juste là, tout suite. Puis tout suite, bien ils se lèvent. Et plus tard, espérons qu’ils garderont ces bonnes habitudes. Qu’ils se lèveront pour les problèmes et injustices de leur nouvelle réalité et de leur nouvel environnement. Que ce soit d’installer une caméra cachée à leur hospice ou de mettre des pantalons funky.

– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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