Salut, vieille boîte
J’ai vendu ma télé. Pense pas m’en racheter une bientôt. Je vais continuer à regarder des séries sur mon ordi. Là je suis dans Sons of Anarchy. God que c’est bon. J’ai envie de m’acheter une moto, un coat de cuir pis briser des baguettes de pool sur des faces. Mais, ouais, pu de télé. Je me sens comme les anciens quand ils ont tranquillement laissé leur radio pour la boîte à images. Je laisse la télé pour l’ordinateur, la boîte à tout. J’en ai tellement passé du temps devant la télé. Je ne compte pas les heures, c’est indécent. Mais, combien de beaux souvenirs.
Je me souviens de ma première relation d’amour avec une émission. La première émission que j’avais hâte de revoir. Astro le petit robot. Une relation de fidélité, où tu t’ennuies, t’as hâte qu’elle revienne. Tu connais son horaire de passage par cœur, tu te mets beau, tu mets ton plus beau pyjama, verses du jus de raisins dans ton plus beau verre en plastique des Transformers. Une fois par semaine, t’as une date. Vingt-cinq ans plus tard, l’émission change, mais le rituel reste le même, ou presque. Le pyjama a changé pour le jogging, puis le jus de raisin… disons qu’il a fermenté.
Je me souviens des films qui ont chamboulé ma vie : Indiana Jones, Les Goonies, Ace Ventura, Le flic de Beverly Hills, la belle Emmanuelle… Je me souviens des films que j’ai commencés, mais jamais finis, parce qu’une demoiselle et moi avions des choses plus urgentes à régler. J’avoue, parfois, mon regard déviait de l’action et allait vers la télé. Écoute, le respect des artisans. Quand même.
Je me souviens du décodeur, des pitons qui faisaient un bruit absurde. J’avais, comme plusieurs, le truc pour «muter» le son des clics. Je pouvais changer de poste entre Radio-Can et Canal famille incognito, sans réveiller personne. Ninja style. Dans le temps où j’étais un expert de la zappette. Je zappais plus vite que mon ombre. Parfois les films ou les émissions se superposaient. J’ai déjà vu Joël Legendre faire du jogging sur un gros melon d’eau, me vendre du Pepsi, en donnant la réplique à Yves Corbeil.
Elle va sûrement me manquer, cette grosse boîte à images. Fidèle compagne. Celle que t’as hâte de retrouver le soir après une longue journée de travail. On le dit et on l’entend souvent : «J’ai juste hâte de rentrer m’effoirer devant la télé!» C’est ça, la télé. Elle ne te juge pas, elle n’a pas besoin de règles de bienséance. Elle ne te demande pas d’être assis, le dos droit, les coudes à côté des coussins. Non, elle te prend comme t’es. Assis, couché, effoiré, couché à terre sur le tapis, nu, habillé. Elle est là pour être regardée et non pour te regarder. Elle s’offre tout entière pour ton plaisir voyeur.
Salut vieille boîte. Merci pour tout. Je vais essayer de bien appliquer ce que tu m’as appris, et si j’en ai la chance, te nourrir, comme tu m’as nourri.
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