Politique-fiction
Le Sénat bashing a gagné en popularité en raison de la multiplication des scandales, qui ont au moins eu cet avantage de nous rappeler l’existence de la deuxième chambre, d’ordinaire discrète, dans l’ombre de la tapageuse Chambre des communes.
Doit-on l’abolir? Les abus de certains sénateurs ne donnent pas la preuve de la non-pertinence du Sénat, seulement de la cupidité de certains de ses membres, et du flou entourant les règles de remboursement de leurs dépenses. Et sans Sénat, les gouvernements majoritaires régneraient en maîtres absolus du Parlement. Devant les abus de ses prérogatives dont le présent gouvernement a fait preuve depuis 10 ans, c’est une option qu’on devrait écarter. À quoi donc pourrait ressembler un Sénat réformé? Rêvons un peu.
N’étant pas élus, mais nommés à vie, les sénateurs sont censés être à l’abri des pressions extérieures, et donc disposer d’une grande indépendance. Dans les faits, ils sont choisis précisément parce qu’ils ont fait allégeance au parti qui les nomme. Dans les dernières décennies, les sénateurs se sont souvent révélés être aussi partisans que les députés, agissant dans certains cas directement sur les ordres d’un premier ministre. On a fait du Sénat le siège des marionnettes du pouvoir.
Pour certains observateurs, le Sénat devrait être une chambre élue. Mais l’élection des sénateurs ne les prémunirait pas davantage contre la partisanerie et le cynisme. En fait, une deuxième chambre élue deviendrait rapidement
une copie de la Chambre des communes. En avons-nous besoin?
Le véritable problème, c’est bien qui siège au Sénat. La logique derrière sa composition — une élite éclairée — ne tient tout simplement plus la route en 2015. Nous avons besoin d’un Sénat du peuple, comme le propose l’auteure Helen Forsey dans A People’s Senate.
Les sénateurs devraient être choisis non pas sur la base de leur notoriété sur la scène nationale ni de leur servilité partisane, mais en raison de leur engagement local, de leur expérience, de leur intérêt marqué pour les affaires publiques à petite ou grande échelle. Lorsque le premier ministre nomme des juges ou des vérificateurs, il le fait sur la base de critères rigoureux et publics. Il n’y a aucune raison pour que ça ne soit pas le cas pour les sénateurs. Ils devraient, plus souvent encore que maintenant, provenir de milieux sociaux et d’origines variés, non pas d’une petite élite nationale. Le Sénat devrait être paritaire : alternant entre homme et femme chaque fois qu’un siège est à pourvoir. Pour garantir le respect de ces critères, le processus devrait être parfaitement transparent.
Une fois en poste, les sénateurs devraient rompre leurs liens avec tout parti politique, s’ils en ont, afin de siéger véritablement comme citoyens indépendants. Finis les whips et la participation au caucus. Ils devraient pouvoir voter comme bon leur semble.
Je vous entends déjà protester : ces suggestions sont irréalistes! Mais depuis quand ce qui est bon pour la démocratie devrait être écarté parce que c’est difficile? Hélas depuis trop longtemps.