Lavage à grande eau au Brésil

Le Brésil est en hibernation politique. Dilma Rousseff est menacée de destitution. Un parfum de corruption flotte sur sa présidence, et même sur celle de son prédécesseur, Luiz Inácio Lula da Silva, icône vivante du géant latino-américain.

Les deux, membres du Parti des travailleurs (PT, gauche), livrent une bataille politico-judiciaire digne des telenovelas brésiliennes, ces séries télévisées de type soap opera. Ils ne mâchent pas leurs mots : un coup d’État institutionnel est en cours.

Dans un pays qui a connu la dictature militaire de 1964 à 1985, cela frappe les esprits.

Le pays est divisé. La rue gronde. Des millions de Brésiliens ont manifesté pour réclamer la tête de leur présidente, difficilement réélue en octobre 2014, ou l’exhorter à aller jusqu’au bout de son second mandat.

Eduardo Cunha, le président de la Chambre des députés, mène le bal pour démettre Rousseff. Il s’érige en défenseur de la morale, même s’il est visé par une enquête sur des comptes secrets en Suisse qui auraient servi à blanchir de l’argent issu de financements occultes.

Jusqu’à présent, un seul président a été destitué pour corruption : Fernando Collor de Mello. C’était en 1992, deux ans après son entrée au Palácio de Planalto, le palais présidentiel. Il est aujourd’hui sénateur et est de nouveau accusé de… corruption.

De l’achat de voix de députés aux détournements de fonds publics, la classe politique a toujours été gangrénée par «les affaires». Malade de corruption, le Brésil reste malgré tout marqué par une culture de l’impunité.

Les Brésiliens en ont ras le bol. Cela écorne l’image de leur pays, sixième puissance économique mondiale – contrairement à ce que prophétisait le général de Gaulle. L’ancien président français, connu pour son sens de la formule, avait eu cette phrase assassine sur le plus grand pays latino-américain : «Le Brésil est le pays de l’avenir et il le restera.»

Pour l’heure, les Brésiliens sont perclus de cynisme, comme un peu tout le monde en Occident, et retiennent ces mots de Lula, prononcés en 1988 quand il était syndicaliste : «Au Brésil, quand un pauvre vole, il va en prison. Quand un riche vole, il devient ministre.»

Si aujourd’hui le géant économique latino-américain a un genou à terre, avec un taux d’inflation de 10 % et une croissance nulle, c’est en grande partie à cause d’une corruption qui sévit à tous les étages et touche tous les partis, croient-ils.

Dans la rue, devant les tribunaux et les médias, la crise politico-judiciaire déclenchée par Lava-Jato (du nom d’une chaîne de stations de lavage d’auto), la plus grande opération anticorruption jamais entreprise dans ce pays de 205 millions d’habitants, se joue au moment où la popularité du PT de Rousseff et de Lula décline.

L’opposition conservatrice mise à fond sur la procédure de destitution pour accélérer son retour au pouvoir, sans attendre l’élection de 2018.

Mais si toute la classe politique devait être mouillée par la corruption, c’est un lavage à grande eau dont aurait alors besoin le Brésil.

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