Des mots qui sonnent

Photo: Collaboration spéciale

Commençons par une blague : nous avons des nouvelles objectives. Désopilant, n’est-ce pas? «Objectives»! Un chef d’antenne de marbre devant la misère du monde, c’est ça, être objectif pour nos médias de masse. Pour moi, être «objectif» face à l’exploitation créée par l’humain serait de capoter. Pas de crier ou de saigner du nez. Mais utiliser des mots qui sonnent. Je veux entendre des mots qui ont un sens historique aux nouvelles : impérialisme, colonialisme, capitalisme, néolibéralisme. Pourquoi, aux heures de grande écoute, les chefs d’antenne n’osent pas nommer l’ennemi : oligarchie, ploutocratie et totalitarisme financier? On n’entend pas ces mots-là aux nouvelles «objectives». Pierre Bruneau, dans le temps de Louis XIV, nous aurait fait croire qu’y en avait pas, de roi : «Louis XIV? C’est un simple paysan qui a certains avantages. Un homme qui a travaillé fort.» On nous bourre la tête de mensonges : «L’Afrique est pauvre et on les aide.» Faux! L’Afrique est riche et on les vole. Il est impossible de comprendre la nouvelle sans son contexte historique. Comment nous parler de fermetures d’usines au Québec, relocalisées en Asie, sans nous parler de néolibéralisme? Comment nous parler des attentats terroristes sans parler de colonialisme? L’État islamique n’est pas un moment de folie hors de l’histoire, mais une folie qui trouve son explication dans le siècle dernier.

Le mandat du TVA Nouvelles stipule qu’il est «parfait pour savoir tout de l’actualité rapidement». «Tout» de l’actualité. Voilà où est la naissance du mensonge : nous faire croire que nous serons bien informés et non divertis. C’est aussi mensonger que de nous dire de boire une canette de Coke pour avoir «tous» les nutriments rapidement. C’est tellement dommageable pour notre tête que c’est Santé Canada qui devrait nous mettre en garde contre les nouvelles à’ tivi : «Trop consommer de TVA, de LCN ou de LSD est dommageable pour votre cerveau.» Radio-Canada n’est pas parfaite, non plus. Sa plus grande qualité, c’est d’être comparée à TVA.

Dans nos médias comme chez nos politiciens, on évite les mots qui sonnent. C’est pourquoi les ministres du statu quo libéral ne sont pas féministes, mais égalitaristes. «Égalitariste», un mot apolitique, hors de l’histoire, qui ne résonne pas. C’est un mot coté en Bourse dans le vocable de la gouvernance.

C’est pourquoi TVA, LCN et NRJ n’ont pas invité Jean-Luc Mélenchon, politicien de gauche, à commenter les attentats du capitalisme sauvage, ni le terrorisme néolibéral. Par contre, pour nous parler des attentats de Bruxelles, ils ont tous déroulé le tapis rouge à Marine Le Pen, leader d’extrême droite, car son discours devait être plus adapté à leur média.

Céline Dion, la subversive, avait tout compris, lorsqu’elle chantait : «Écris-moi des mots qui sonnent. Des mots qui résonnent. Écris-moi des mots qui donnent un sens à ma musique.» C’est de ça que notre intelligence a besoin : des mots qui donnent un sens!

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