Outremont refuse de tenir sa kermesse un dimanche
La mairesse Marie-Cinq-Mars refuse qu’Outremont tienne sa Kermesse soleil un dimanche afin d’accommoder la communauté juive hassidique, même si cette requête provient de citoyens non-hassidiques.
Cette proposition a été lancée par des membres du Comité de promotion du pluralisme au sein des écoles d’Outremont, pendant la séance du conseil d’arrondissement, le 9 janvier.
Depuis près de 30 ans, l’arrondissement organise début juin une fête familiale au parc Beaubien où les enfants peuvent s’amuser avec des jeux gonflables, un carrousel en plus de pouvoir assister à des spectacles.
Selon le comité citoyen, la tenue de la kermesse un samedi empêche la participation des juifs hassidiques, qui représentent 25% de la population, puisque ceux-ci doivent observer le shabbat, un jour de repos.
«Quand j’organise, par exemple, une réunion familiale ou un BBQ avec mes amis, j’essaie de trouver une date qui convient le mieux à tout le monde. (Si) je me rends compte qu’un quart de ma famille ou de mes amis ne peuvent pas se déplacer un certain jour parce qu’ils ont un engagement, j’essaie de trouver la date qui convient au plus grand nombre de gens», illustre une des porte-parole du comité, Claire Trottier.
Elle estime que la participation des familles hassidiques ferait de la Kermesse soleil «un meilleur événement, plus inclusif et un exemple du vivre-ensemble».
«C’est un événement public soutenu par notre arrondissement. Quand on fait des événements pour toute la communauté, il faut considérer tous les éléments qui font que tout le monde peut participer», indique un autre membre du comité, Jennifer Dorner.
Tard le soir
La mairesse Cinq-Mars a fermé la porte à la proposition du comité citoyen. Elle explique que la kermesse prend fin avec la tenue d’un souper spaghetti et d’une soirée dansante au profit des associations sportives de l’arrondissement.
«Je me vois mal faire ça le dimanche soir. Ça se termine à 22h-22h30 alors que le lendemain c’est le lundi et il y a de l’école. Ce serait très difficile pour moi de recommander au conseil de faire ça un dimanche pour cette raison», soutient-elle.
Mme Cinq-Mars a aussi fait valoir que plusieurs événements se tiennent déjà le dimanche à Outremont.
Déçue de la réponse, Mme Dorner croit qu’une solution est possible et prévoit possiblement revenir à la charge avec la demande.
Un accommodement raisonnable?
Aux yeux de la psychologue et spécialiste en relations interculturelles de l’Université de Montréal, Rachida Azdouz, la demande d’accommodement étonne puisqu’elle provient de l’extérieur de la communauté hassidique.
«Il y a un problème de démarche. Il faut que ce soit les personnes qui sont supposément victimes de discrimination qui fassent la démarche. On ne peut pas le faire à leur place ou en leur nom», affirme la spécialiste.
Pour autoriser un accommodement raisonnable, il faut notamment que le groupe concerné démontre qu’il subit un préjudice et une discrimination, avance Mme Azdouz.
«Est-ce que l’accès à une kermesse dans un parc constitue un droit fondamental au même titre que l’accès à la santé, à l’éducation et à la justice?», se questionne-t-elle.
Si la demande s’avère recevable, c’est-à-dire s’il est démontré qu’il y a discrimination, il faut aussi que l’arrondissement s’assure qu’un tel accommodement ne cause pas des «contraintes excessives» comme des problèmes de coût et de logistique liés à l’événement ou encore une atteinte aux droits des autres citoyens.
Selon Jennifer Dorner, des membres hassidiques auraient réclamé dans le passé un changement de date pour la Kermesse soleil.
Rappelons que le débat sur les accommodements raisonnables au Québec a pris naissance à Outremont quand le YMCA du Parc a installé des vitres givrées dans une salle d’entraînement en 2006.