Il était une fois l’accès à la justice…
On a entendu parler, à satiété, du maintenant fameux arrêt Jordan. Le débat en est d’ailleurs venu, fort rapidement, à dévier: Québec devait-il, voire pouvait-il, adopter la disposition de dérogation, histoire de suspendre momentanément les effets de Jordan et de traduire néanmoins, devant les tribunaux, des individus accusés depuis trop longtemps?
Et pourquoi faire dévier le débat, au fait? Parce que si Jordan a été rendu, ce n’était certainement pas dans le but inavoué d’exciter l’ensemble des constitutionnalistes de la province. C’était beaucoup plus afin de traiter, de manière impitoyable, d’une problématique récurrente : celle des délais indus en matière de justice criminelle.
Une crise majeure, certes, mais aucunement comparable à celle touchant l’accès à la justice civile. Pourquoi? Parce que le commun des mortels a drôlement plus de chances de poursuivre un voisin pour bris de clôture, un ex-conjoint pour une pension, un patron pour congédiement injustifié, que de se faire pincer dans une affaire criminelle. Pas une mauvaise chose, remarquez bien.
De ce fait, on parle d’un délai d’environ deux ans avant qu’un juge civil puisse rendre sa décision. Autre problème inhérent : les légendaires honoraires d’avocats. Selon Me Julien D. Pelletier, directeur général de Juripop (mais avant tout mon ami), 55% des justiciables se représentent maintenant seuls dans le cadre de litiges civils.
Faut dire qu’un procès, c’est très coûteux. Toujours selon Me Pelletier, de un à cinq jours de procès (incluant la préparation) coûtent, en moyenne, de 13 000$ à 37 000$. Pas donné, disons.
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Des solutions prochaines? Combler, évidemment, le manque de ressources judiciaires.
Mais il y a peut-être autre chose. Mettre à profit les talents, l’altruisme et le potentiel des étudiants en droit, par exemple…
Trois de ceux-ci, soit Lauriane Walker-Hanley, Alexandre Csuzdi-Vallée et Philippe Dion, ont eu, récemment, une idée aussi simple que magistrale: celle de permettre à ces mêmes étudiants de dispenser divers conseils juridiques, le tout par l’entremise de cliniques encadrées par les facultés de droit de la province. Accréditées par le Barreau et la Chambre des notaires, ces cliniques s’assureraient par surcroît qu’un membre de ces corporations supervise le travail accompli. Risque de désastre zéro, donc.
Souhaitant passer de la parole aux actes, ils ont réussi à convaincre, opiniâtres et dévoués qu’ils sont (oui, je les connais aussi, leur ayant enseigné; brillants et prometteurs, croyez-moi), le député de la CAQ Simon Jolin-Barette de déposer un projet de loi en ce sens. Re-bravo, et chapeau bas à la CAQ de s’intéresser à l’idée. Celle-ci, une fois approuvée, améliorerait instantanément l’accessibilité à la justice en aidant, pour seul exemple, les justiciables à remplir ou rédiger les documents soumis à la cour.
Ces services, gratuits, optimiseraient par ailleurs la conscientisation estudiantine. Réaliser, comme certains profs se tuent à leur dire, qu’ils peuvent, voire doivent, jouer un rôle fondamental dans notre démocratie, notre État de droit. Puissent l’Assemblée nationale, le Barreau et la Chambre des notaires en être également conscients…