La première brosse
Je me souviens parfaitement de ma première brosse. Vous savez, celle qui va de soi, celle qui s’inscrit presque comme un passage obligé de la vie. À classer dans le même tiroir que la première clope fumée en cachette dans le parc et le premier foxage d’école en plein après-midi au centre d’achats…
Ma première brosse, je l’ai prise au Lambert-Closse, une sympathique brasserie du Vieux-Montréal où des mineurs munis de fausses cartes se mêlaient allègrement aux motards en résidence, qui y vendaient moult produits dérivés.
Cette fois-là, en affichant une assurance qui était nettement au-dessus de mes 16 ans et de mes 129 lb bien réparties sur mes 6 pi, je m’étais mis à boire de la draft directement du pichet. Oui, je sais… Je vous aime trop pour vous raconter en détail la suite des événements.
J’étais totalement dans les vapes à la fin de la soirée, et le chauffeur de taxi qui m’avait reconduit m’avait fait faire un détour par l’Afrique centrale avant de me «déposer» à la maison. Après avoir pris soin, bien entendu, de me détrousser de tout ce que j’avais en poche et de tout ce qui me restait de fierté. J’avais été con comme la lune, mais au moins, je suis encore là pour en témoigner. Même si ça fait mal un peu, mais bon, ce qui est fait est fait, on n’en parle pu…
Les ados d’aujourd’hui sont plus jeunes que ceux d’hier. C’est là la seule différence. Pour le reste, ils m’ont l’air capables de faire sensiblement les mêmes niaiseries. Comme prendre une tasse de trop. Je me revois encore sur la mezzanine du Lambert-Closse en train de caler des dizaines et des dizaines d’onces de bière. Et dire que je n’aimais même pas le goût… Jusqu’où j’aurais poussé ma chance si j’avais pu m’enfiler une boisson sucrée masquant parfaitement un taux de 11,9 % d’alcool? J’ose à peine y penser.
Ce qui m’amène à certaines interrogations…
Question 1 : qui a eu un jour l’idée de génie de concevoir une boisson sucrée aux allures de Kool-Aid avec un tel taux d’alcool?
Question 2 : en offrant une pareille concoction dans des canettes de 568 ml, le but était-il de séduire le buveur adulte et raisonnable?
Question 3 : comment se fait-il que les autorités aient pu permettre la vente du Fckd Up, un produit dont on a dit tant de mal depuis le premier jour de sa mise en marché?
Prenez votre temps pour me répondre, je ne suis pas pressé. En attendant, y’a une belle jeune fille de 14 ans qui aura payé bien cher son moment d’éternelle jeunesse.
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Lu: Moi, de René Homier-Roy, qui sort demain chez Leméac. Mise en garde : ce livre n’est pas une bio à proprement parler et c’est parfait comme ça. En fait, c’est du René Homier-Roy tout craché. Un fin causeur qui a trouvé en Marc-André Lussier l’homme de plume idéal pour nous plonger en pleine séance de confidences. Ça s’entend comme ça se lit. Et c’est passionnant.
Revenant sur son parcours professionnel pas très linéaire, cet homme de mots – généralement peu enclin à la modestie – revient avec une franchise désarmante sur ses succès autant que sur ses échecs. Sans fla-fla ni broderie. Voilà exactement pourquoi je me suis toujours régalé de la présence médiatique de cet homme de culture et d’opinion. Ajoutez à cela qu’il est également l’un des plus grands intervieweurs de son temps.
Pas sûr que Sophie Durocher, Éric Duhaime et l’ancienne patronne des variétés à Radio-Canada (récipiendaires de quelques baffes au passage) vont apprécier ce livre autant que moi. C’est leur problème. René Homier-Roy est un homme qui aime bien et qui châtie encore mieux.
Pour ces presque 60 ans de culture et de passion, je vous recommande la lecture de ce bouquin sans la moindre réserve.