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L’ex-premier ministre Bernard Landry est décédé

Bernard Landry
Photo: Archives Métro

L’ex-premier ministre du Québec Bernard Landry est décédé mardi à l’âge de 81 ans.

Plus tôt le mois dernier, l’état de santé de M. Landry s’était fortement détérioré. Le quotidien La Presse avait rapporté le 13 octobre qu’il respirait avec l’aide de bouteilles d’oxygène.

Il était apparu diminué le 21 mai dernier lors d’une activité de la Journée nationale des patriotes, une fête qu’il avait d’ailleurs lui-même créée en 2002 pour remplacer au Québec le jour férié du mois de mai — la «fête de Dollard» ou la «fête de la Reine» (Victoria).

Souverainiste de la première heure, dès les années 1960, après avoir milité très activement dans les mouvements étudiants, Bernard Landry a été de tous les combats du Parti québécois (PQ) depuis sa fondation en 1968. Mais il n’aura pu réaliser son rêve le plus cher: mener le Québec à son indépendance politique.

M. Landry a finalement été premier ministre désigné du Québec de 2001 à 2003, après avoir été «superministre» de son prédécesseur, Lucien Bouchard, de 1995 à 2001. C’est pendant cette période qu’il crée notamment le crédit d’impôt pour le secteur du jeu vidéo, une industrie aujourd’hui florissante au Québec.

Défait par les libéraux de Jean Charest aux élections générales de 2003, M. Landry, resté chef de l’opposition, avait reçu comme une injure, en 2005, un vote de confiance de 76% des militants au congrès du PQ, et il avait démissionné le lendemain, à la stupéfaction générale. Il était ensuite retourné à l’enseignement, qu’il adorait, et à la pratique du droit, son premier métier.

Pendant les années 1990, sous les gouvernements péquistes de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, Bernard Landry a occupé plusieurs fonctions-clé, dont vice premier-ministre, ministres des Affaires extérieurs ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, ministre des Finances, du Revenu, de l’Industrie et du Commerce.

Toujours fervent militant souverainiste, il accordait récemment encore, au début de l’année, tout son appui à la chef en difficultés du Bloc québécois Martine Ouellette, puis au candidat de la Société Saint-Jean-Baptiste Maxime Laporte lors de l’investiture péquiste dans Pointe-aux-Trembles, en avril, remportée finalement par Jean-Martin Aussant, qui avait claqué la porte du PQ en 2011 pour fonder Option nationale.

Bernard Landry laisse dans le deuil sa conjointe Chantal Renaud et trois enfants, Julie, Philippe et Pascale, nés de son union avec la juge Lorraine Laporte, décédée en 1999.

Séparatiste étudiant
Bernard Landry est né le 9 mars 1937 à Saint-Jacques, près de Joliette, mais il était un fier fils d’Acadiens. Déjà, au cours de ses études, le jeune homme ne se contente pas d’être président de sa classe: il sera président fondateur du conseil étudiant du Séminaire de Joliette, et plus tard président de l’Association des étudiants en droit, puis de l’Association générale des étudiants de l’Université de Montréal.

Il participera aussi à la fondation de l’Union générale des étudiants du Québec, en 1964, créée pour… se séparer de la Fédération nationale des étudiants universitaires du Canada, dont l’aile québécoise, disait-il, était «dominée» par les anglophones de McGill et de Sir-George-Williams (Concordia).

Une fois diplômé en droit, le jeune Landry travaillera quelques années au sein de l’«équipe du tonnerre» du gouvernement libéral de Jean Lesage – il a été notamment conseiller technique au cabinet du ministre des Richesses naturelles, René Lévesque. À partir de 1969, il se consacrera à la pratique privée du droit: il représentera notamment les grévistes de la Firestone et de la Canadian Gypsum à Joliette, ainsi que les expropriés de la région de Gentilly, où l’on construisait une centrale nucléaire.

Deux ans après la fondation du PQ par René Lévesque, M. Landry est candidat malheureux dans Joliette en 1970; sept péquistes sont élus, mais pas le chef. M. Landry se représentera en 1973, et sera défait à nouveau; cette fois, six péquistes sont élus, mais toujours pas René Lévesque.

Sur les conseils de son chef, Bernard Landry part étudier l’économie et les finances à l’Institut d’études politiques de Paris; infatigable, il profite de son court séjour pour y fonder l’Association générale des étudiants québécois en France. Rentré au Québec, il sera finalement élu, dans Fabre, en 1976, lorsque le PQ est porté au pouvoir pour la première fois, avec 71 députés.

Superministre
S’amorce alors pour Bernard Landry une carrière ministérielle bien remplie, d’abord à titre de ministre d’État au Développement économique – les talents sont nombreux dans ce que plusieurs analystes qualifient de l’un des meilleurs cabinets que le Québec ait jamais connus. Réélu en 1981 dans Laval-des-Rapides, M. Landry reprend son ancien portefeuille, puis est promu en 1982 au Commerce extérieur, et enfin aux Relations internationales en 1984-1985.

Au départ de René Lévesque, en 1985, il sera candidat à la direction du PQ, mais retirera finalement sa candidature. Le nouveau chef, Pierre Marc Johnson, lui confiera en octobre les Finances – Jacques Parizeau avait claqué la porte du cabinet Lévesque à cause du «beau risque» offert par Brian Mulroney. Mais ce gouvernement Johnson sera battu aux élections de décembre 1985.

Défait dans Laval-des-Rapides, M. Landry enseignera au département des sciences administratives de l’UQAM de 1986 à 1994. Il sera aussi professeur invité en France, au Mexique et en Afrique, et coanimera en 1986-1987 une émission d’affaires publiques à TVA, Le Monde magazine. Il publie en 1987 l’essai Commerce sans frontières – c’était un partisan indéfectible du libre-échange.

Avec le retour de Jacques Parizeau au PQ, Bernard Landry devient vice-président du parti en 1989, jusqu’en 1994, lorsque les péquistes sont reportés au pouvoir; lui-même est élu député de Verchères, en Montérégie, une région qu’il ne quittera plus.

Il est alors nommé vice-premier ministre par M. Parizeau, ainsi que ministre des Affaires internationales, de l’Immigration et des Communautés culturelles, ministre de la Francophonie, ministre responsable du Secrétariat à la jeunesse et responsable du Secrétariat à l’action humanitaire internationale… C’est Jean Campeau, un ancien PDG de la Caisse de dépôt, qui est nommé ministre des Finances par M. Parizeau.

Après la courte défaite référendaire de 1995, Jacques Parizeau démissionne, Lucien Bouchard prend la relève et garde M. Landry comme vice-premier ministre, mais lui fait aussi cumuler les Finances, le Revenu, ainsi que l’Industrie, le Commerce, la Science et la Technologie, en plus de lui attribuer le titre de ministre d’État à l’Économie et aux Finances…

C’est l’époque du «super-ministre» Landry, sacré «grand vizir» par le magazine L’Actualité. C’est notamment sous sa houlette qu’est créé Placements Québec (aujourd’hui Épargne placements Québec). C’est aussi lui qui crée le crédit d’impôt pour l’industrie alors naissante du jeu vidéo en 1997: il convainc le géant français Ubisoft de s’installer à Montréal. «Quand je suis allé rencontrer les frères Guillemot à Paris, ils connaissaient à peine le Québec – je ne suis pas sûr qu’ils auraient pu le situer sur une carte», a dit M. Landry dans une entrevue à La Presse en 2010.

Premier ministre désigné
À sa réélection au scrutin général de 1998, le «superministre» est confirmé dans ses fonctions, et c’est lui qui, aux Finances, parviendra à atteindre, pour la première fois depuis des lustres, le fameux «déficit zéro» si cher au premier ministre Bouchard. Au départ de celui-ci, début 2001, M. Landry est nommé chef du parti, après le désistement des candidats potentiels, et devient de facto premier ministre désigné.

C’est son court gouvernement qui, notamment, a fait adhérer le Québec aux principes du protocole de Kyoto sur l’environnement, et c’est M. Landry qui signe en 2002 la «Paix des braves», une «entente historique» avec les Cris du Québec, qui fait suite à la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, conclue par Robert Bourassa en 1975. Il a aussi proclamé, en 2002, que la Journée nationale des patriotes, jusque-là célébrée en novembre, remplacerait dorénavant le jour férié de mai, la fête de Dollard (ou «fête de la Reine» Victoria).

Mais le 14 avril 2003, à son premier test électoral comme chef du PQ et premier ministre, son gouvernement est battu par les libéraux de Jean Charest. Après une période de réflexion, M. Landry décide de rester chef du parti et de l’opposition officielle, et lance un processus de refonte du programme du PQ, «La Saison des idées».

L’année suivante aura été très éprouvante pour le chef Landry: François Legault et Pauline Marois manifestent publiquement leur intérêt pour son poste, et d’autres députés contestent sa direction. En juin 2005, il sidère ses militants, et ses proches, semble-t-il, en démissionnant sèchement après avoir obtenu pourtant 76,2% d’appuis au congrès du PQ – le «parti qui mange ses chefs», comme le veut l’adage.

Il reviendra alors à un métier qui lui était cher, l’enseignement, à l’UQAM et à l’École polytechnique de Montréal, et il devient conseiller stratégique dans un cabinet d’avocats de Montréal. Il tiendra aussi chronique dans le Journal de Montréal – qu’il délaissera lors du lock-out de deux ans décrété en 2009 par Pierre Karl Péladeau.

Il avait été décoré à plusieurs reprises: premier lauréat en 2005 du prix Louis-Joseph-Papineau «pour avoir consacré plus de 35 ans à la cause souverainiste», Patriote de l’année en 2006, grand officier de l’Ordre national du Québec en 2008, commandeur de la Légion d’honneur en France, grand-croix de l’Ordre de la Pléiade de la Francophonie et prix Pierre-Bourgault.

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