Montréal veut revoir sa façon de gérer le bac vert
D’ici la fin 2019, Montréal aura une nouvelle usine pour faire le tri des bacs verts. Cette infrastructure ne sera en mesure de recevoir que 60% des matières, d’où l’appel de soumissions lancé la semaine dernière pour trouver un deuxième fournisseur. Des voix s’élèvent aussi pour que les autorités publiques ne répètent pas les erreurs du passé. Découverte d’un secteur méconnu.
Constats
En 2017 Montréal et les villes défusionnées de l’île ramassaient environ 163 000 tonnes de matières recyclables (papier, plastique, métaux, verre) par an. C’est environ 10 000 tonnes de moins qu’en 2012. «Cette diminution des quantités récupérées pourrait être liée à différents facteurs (les journaux papier remplacés par des éditions numériques, l’écoconception des produits qui réduit le poids des contenants, la diminution du suremballage, la réduction de la consommation)», constatait la Ville dans le Portrait des matières résiduelles de l’agglomération de Montréal. Pendant cette même période, le taux de récupération des matières recyclables est passé de 58% à 60%, bien loin de l’objectif de 70% fixé pour 2015. Mais le problème n’est pas là, selon Karel Ménard, qui dirige le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED). Selon lui, les objectifs de récupération «nous donnent artificiellement bonne conscience», alors que dans les faits, on ne sait pas ensuite ce qui advient des matières qui sortent des centres de tri, vu que la loi n’impose aucune traçabilité. «Si une grande partie du plastique que nous avons pris soin de mettre dans le bac vert sera effectivement recyclée, il se peut qu’une autre partie se retrouve dans un dépotoir au Cambodge, brulée en Indonésie ou encore être rejetée dans les cours d’eau pour venir grossir le continent de plastique qui flotte dans l’océan Pacifique. Nous ne le savons pas exactement et nous n’avons pas les moyens de le savoir», dit-il.
Fonctionnement
Comment fonctionne un centre de tri? Chaque jour, le centre reçoit environ 140 camions qui sont tous filmés et pesés à l’entrée et à la sortie afin de déterminer les quantités entrantes et leur caractérisation. La balance est vérifiée régulièrement pour éviter les erreurs et les fraudes. Les matières passent différentes étapes de tri, avant d’être regroupées en ballots ou en vrac, puis revendues à des courtiers ou des recycleurs. En 2018, quand la Chine a fermé ses frontières aux matières recyclables trop contaminées, plusieurs centres de tri québécois ont menacé de faire faillite, faute de débouchés suffisants. «Dans le cas de Montréal, il a fallu allonger 29M$ à Rebuts solides canadiens, qui gère le centre de tri de Saint-Michel, sans assurance d’être remboursé dans le cadre du régime de compensation administré par Recyc-Québec», note M. Ménard. En étudiant le nouvel appel d’offres de la Ville de Montréal, Karel Ménard souligne toutefois avec satisfaction qu’une clause de traçabilité des matières sortantes a été ajoutée et que les recycleurs locaux doivent désormais être favorisés à prix égal. Il y a aussi une disposition de calcul qui fait en sorte que Montréal participera aux pertes et aux bénéfices à la revente des matières. «Ça me paraît beaucoup plus adéquat pour éviter les fluctuations du marché», mentionne le directeur du FCQGED.
Québec démontre son sérieux dans la question de la gestion des matières résiduelles. – Valérie Plante, au sujet du budget Legault qui prévoit notamment 20M$ pour la modernisation des centres de tri.
Concurrence
À la fin de 2019, un centre de tri moderne sera mis en service à Lachine. Il sera capable de traiter 100 000 tonnes par année et permettra notamment une réelle valorisation du verre. Ce dernier contamine les autres matières et finit généralement comme matériaux de recouvrement dans les dépotoirs. Toutefois, ce nouveau centre de tri n’accueillera que 60% des bacs verts des Montréalais. Où aboutiront les matières issues des dix arrondissements centraux et de l’Est de Montréal? Impossible de le savoir pour l’instant, car l’appel d’offres émis la semaine dernière ne précise aucun lieu et laisse le choix aux soumissionnaires d’en proposer. Invité à clarifier la situation, la relationniste de la Ville de Montréal, Camille Bégin, a répondu que la Ville veut maximiser le nombre de soumissionnaires potentiels. Le centre de tri du CESM ne deviendrait pas inutile pour autant puisqu’il accueille les matières venant d’autres clients que la Ville.
Modernisation
-La CMM présente vendredi sa vision pour la gestion des déchets
-Au menu: modernisation de la consigne, sensibilisation et hausse des tarifs
-Ce plan fera l’objet d’une consultation publique en mai