Loin du cœur…
Un ami journaliste qui a couvert le Canadien pendant des années me racontait que le sport pouvait faire sortir chez le partisan moyen ce qu’il avait de plus beau, mais aussi de plus laid. On l’a constaté une fois de plus lors de la venue des Devils du New Jersey et de PK Subban au Centre Bell samedi dernier.
Ce samedi soir, Subban s’est fait huer chaque fois qu’il touchait à la rondelle.
Pas par toute la foule, fort heureusement, mais par un groupe assez important pour que ça se rende sûrement à ses oreilles.
Quand même un drôle d’accueil pour celui qui s’est littéralement «abonné» à Montréal dès son arrivée en ville.
Un athlète qui, on le rappelle, a mis sur pied une fondation d’une dizaine de millions de dollars au bénéfice des enfants malades. De nos enfants malades. Je me demande comment il a encaissé ça.
On se plaît à croire que les athlètes sont endurcis et capables d’en prendre.
Or, je ne suis pas sûr du tout que ce chahut n’est pas venu le toucher en plein cœur.
Un triste épisode pour celui qui, dans cette même enceinte, a longtemps été le favori de la foule.
Si vous voulez connaître l’épaisseur de la présumée carapace des athlètes professionnels, vous demanderez à Patrice Brisebois et à Stéphane Richer jusqu’où les huées les ont menés. Genre, pas loin du gouffre.
On invoque aussi comme «juste» raison que les salaires faramineux des athlètes les exposent automatiquement à la rage des masses.
Là aussi, je dois m’inscrire en faux.
Le salaire d’un athlète est mesuré selon sa valeur commerciale et est négocié avec une organisation capable de le payer.
Et, désolé d’en ajouter, ça ne nous regarde pas.
Dans un cas semblable, c’est bien plus au propriétaire qui accepte de payer la grosse somme qu’on devrait s’en prendre qu’à l’athlète qui l’encaisse de plein droit.
Et ne venez pas m’achaler avec le prix du billet (fort élevé, on s’entend là-dessus) qui donne le droit d’écœurer tout un chacun.
Il n’y a pas un droit d’entrée au monde qui autorise à agir en bum. Pas un seul.
On peut manifester ses émotions, pas de problème. Mais manquer du plus élémentaire savoir-vivre, non.
Sur Twitter, j’ai même lu qu’on avait réservé à Subban une forme d’hommage «affectueux» par l’intermédiaire de ce chahut parce qu’on ne châtie bien que ceux qu’on aime bien. Bin quin…
Alors, pourquoi ne pas avoir hué Guy Lafleur à pleins poumons quand il est revenu jouer ici dans l’uniforme des Rangers de New York?
S’il y en a un qu’on a aimé plus que tout autre, c’est bien lui.
Alors, en partant de ce principe, aurait-il fallu le recevoir à grands coups de pelle?
Ce qui s’est passé l’autre soir au Centre Bell ne serait jamais arrivé à Montréal il y a à peine quelques années.
Ce genre de comportement était «propre» à une culture de malappris qui n’avait rien à voir avec la nôtre.
Il fut un temps où le comportement de la foule de Montréal était au-dessus de cela. Bien au-dessus. C’était hier.
Comme le dit l’adage : y a rien comme le sport pour faire sortir le méchant. Samedi soir, le méchant est sorti.
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Une très bonne idée: nommer un lieu en hommage à Henri Tranquille, un légendaire libraire et un essentiel pusher de culture qui a marqué le Montréal des années 1940, 1950 et 1960.
Une moins bonne idée: appeler cet endroit l’esplanade Tranquille. Oui, je le sais, le gars ne s’appelait pas Bérubé, il s’appelait Tranquille, raison de plus pour faire attention. Pas sûr non plus que de désigner un espace comme étant «tranquille» est en harmonie avec l’esprit du Quartier des spectacles, qui se veut vivant et animé.
Suffisait de nommer ce site place Henri-Tranquille, avec prénom et trait d’union, et ça aurait été parfait. Y en a qui ont le don de compliquer les affaires les plus simples…