Le plan Trump-Netanyahu assombrit les perspectives palestiniennes
Voué à l’échec. La plupart des observateurs ont balayé les chances du plan présenté mardi par Donald Trump pour «pacifier» le Proche-Orient, tant il favorise Israël et impose des conditions draconiennes à la naissance d’un État palestinien.
«Les Palestiniens l’ont rejeté d’un revers de la main, tout comme les colons israéliens qui s’opposent à toute forme de souveraineté palestinienne», dit à l’AFP Steven Cook, du cercle de réflexion Council on Foreign Relations. «Cela ne fait en aucun cas avancer la cause de la paix», ajoute-t-il.
Pour Michele Dunne, du think tank Carnegie Endowment for International Peace, «rien ne montre que ce plan puisse mener à des négociations».
La mise en scène pour dévoiler le contenu des 80 pages concoctées dans la plus grande discrétion depuis près de trois ans par la Maison-Blanche a frappé les esprits: le président des États-Unis flanqué du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, prenant la parole l’un après l’autre comme pour en revendiquer la double paternité. En l’absence de tout représentant palestinien.
«C’était coordonné avec une seule partie, et semble n’avoir qu’un objectif politique», explique à l’AFP Michele Dunne: «il s’agit d’aider Netanyahu dans sa lutte politico-judiciaire (…) et de consolider le soutien pour Trump parmi les électeurs pro-Israël».
Pour les spécialistes de ce conflit inextricable, tout n’est pas à jeter dans la «vision» élaborée par Jared Kushner, conseiller et gendre du milliardaire républicain.
Le chef du gouvernement israélien s’est ainsi dit prêt à reconnaître un État palestinien et à geler pendant quatre ans le développement de colonies, tandis que Donald Trump a promis que cet État aurait sa capitale dans la partie orientale de Jérusalem. Et grâce à un réseau de transports «modernes et efficaces», dont un train à grande vitesse entre Gaza et la Cisjordanie, un tel État serait «d’un seul tenant».
«Au niveau tactique, il y a quelques bonnes idées», dit Steven Cook.
Robert Satloff, du Washington Institute for Near East Policy, «félicite» même les auteurs «pour l’injection d’un peu de réalisme dans la lecture conventionnelle de ce conflit». «Il est réaliste de dire que la Vallée du Jourdain doit être la barrière sécuritaire d’Israël. Il est réaliste de dire que des milliers d’Israéliens en Cisjordanie ne doivent pas être forcés à déménager», estime-t-il sur Twitter.
Mais selon lui, ces principes «réalistes» sont détournés par l’administration Trump pour répondre à toutes les exigences israéliennes: s’agissant de la Vallée du Jourdain, il n’est plus question de simple sécurité mais de souveraineté israélienne; et toutes les colonies israéliennes en Cisjordanie peuvent être annexées. Autant de repoussoirs pour l’Autorité palestinienne.
«S’il ne faut retenir qu’une chose, c’est que ce plan place la frontière orientale d’Israël sur la Vallée du Jourdain», insiste Michele Dunne. «Tout le reste, ce sont des détails. Tout ce qui est donné aux Palestiniens n’est que provisoire, conditionnel et éloigné dans le temps et donc probablement inatteignable».
Leur État, sur une superficie bien en-deçà des Territoires occupés en 1967 qu’ils revendiquent, serait ainsi démilitarisé, avec une capitale réduite à certains faubourgs de Jérusalem.
Et il ne verrait le jour qu’en échange d’un renoncement aux armes et d’une reconnaissance d’Israël comme État juif — autant de conditions difficiles à remplir tant que le Hamas contrôle Gaza. «Le Hamas a un droit de veto», constate Henry Rome, de la société d’analyse des risques Eurasia Group.
Pour certains observateurs, l’objectif stratégique américano-israélien est donc de modifier, sur le long terme, les paramètres pour un règlement pacifique du conflit dans un sens favorable à l’État hébreu. Et d’instaurer une politique du fait accompli par l’annexion israélienne d’une partie de la Cisjordanie qui pourrait avancer au pas de charge avec l’aval de Washington, sous couvert de plan de paix.
Dans ces conditions, quel est l’horizon des Palestiniens?
«Aussi faibles soient-ils, ils peuvent toujours dire non», relève Michele Dunne. Mais selon cette ex-diplomate, le plan Trump risque d’accélérer la transition d’une lutte pour un État indépendant «à un combat pour les droits sur le modèle de l’Afrique du Sud» pendant l’apartheid.
Dans l’immédiat, la Maison-Blanche compte sur les alliés arabes des États-Unis pour faire pression sur les Palestiniens. Et l’accueil est, à cet égard, plutôt positif.
Trois monarchies du Golfe (Oman, Bahreïn et les Emirats arabes unis), qui n’ont pas de relations avec Israël, ont assisté à la présentation du plan par le duo Trump-Netanyahu.
Et l’Arabie saoudite, d’ordinaire sourcilleuse lorsqu’il s’agit de défendre les aspirations palestiniennes, a dit «apprécier» les efforts américains, tandis que l’Égypte a appelé les Palestiniens à un «examen approfondi» des propositions de Washington.
«Les Palestiniens seront tentés de rejeter d’emblée ce plan, mais ils devraient résister à une telle tentation et accepter le principe de négociations directes pour plaider leur cause», prévient l’ancien diplomate américain Richard Haass. «Un rejet total pourrait saper les derniers espoirs d’aboutir à une solution à deux États, aussi modestes soient-ils.»