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Les silences complices

violences sexuelles

J’écris cette chronique les larmes aux yeux et la rage au ventre. Je couche sur papier mes pensées pour contenir cette colère et ces cris avec lesquels je cohabite depuis trop longtemps. Je ne me rappelle pas avoir déjà ressenti une charge émotionnelle aussi lourde à porter. Un fardeau mental qui m’épuise autant.

Ahmaud Arbery, Georges Floyd et plus près de nous Regis Korchinski-Paquet sont morts à cause de la couleur de leur peau. Ils sont morts, parce qu’ils étaient Noirs. La vérité simple et crue. Être Noir, encore en 2020, peut-être la seule infraction pour mériter une sentence fatale. Partout à travers le monde, on assiste à des scènes de lynchage des temps modernes dans l’indifférence totale d’une majorité.

Le silence de cette majorité est souvent rompu pour suggérer aux victimes collatérales ce qu’elles peuvent ressentir et comment elles doivent exprimer leur ras-le-bol. Entre s’agenouiller pacifiquement et prendre les rues pour manifester sa colère, la ligne de l’inacceptable est mince pour certains. On m’a récemment dit: « Pourquoi ça te touche autant ? Ça se passe aux États-Unis, pas au Québec. Ne viens pas importer les enjeux américains ici. ».

Je n’entrerai pas dans des explications psychologiques de la transmission des traumatismes, ni de l’impact des images violentes ou des expériences sur le subconscient, il existe des études assez complètes sur le sujet. Je ne dresserais pas la liste des cas québécois et canadiens, c’est très bien documenté pour ceux et celles qui veulent sortir de leur aveuglement volontaire. Il y a également ces statistiques qui ne mentent pas. Je renverrais plutôt les questions suivantes: pourquoi as-tu partagé le mot-clé #JeSuisCharlie ? Ce hashtag a été le plus populaire de l’histoire du réseau social Twitter avec pas moins de 5 044 740 tweets publiés les trois jours suivant l’attentat de Paris.

Pourquoi as-tu pleuré en voyant la couverture des attentats au Bataclan ? Dans tes vagues d’indignation, pourquoi n’as-tu jamais partagé #BlackLivesMatter, alors que des hommes, des femmes et des enfants se font tuer en plein jour ? Pourquoi n’as-tu jamais pris la parole pour dénoncer le racisme systémique, le profilage racial et la brutalité policière ?

«Je couche sur papier mes pensées pour contenir cette colère et ces cris avec lesquels je cohabite depuis trop longtemps.»

Il m’est impossible de répondre à ces questions pour quiconque. Cependant, je peux affirmer qu’il est faux de croire que la couleur n’est pas un facteur dans nos interactions humaines. Qu’elle ne crée pas une barrière dans nos émotions. Qu’elle n’altère pas nos perceptions. Les arguments tels que: la couleur n’existe pas ou je ne vois pas les couleurs ne peuvent être appréciables que par ceux et celles qui n’ont pas à intérioriser les reflets de leur négritude en se contemplant dans un miroir chaque matin.

L’image du policier Derek Chauvin agenouillé sur le cou de Georges Floyd est l’illustration de ce système en place depuis trop longtemps et qui continue à persécuter des citoyens qu’on juge de «seconde classe». C’est la matérialisation physique du racisme systémique qu’on refuse d’identifier et qui pourtant existe, tue et maintient des populations dans des conditions vulnérables. 

Que peut faire la majorité?

Devant tant d’injustices, votre silence n’est plus une option. Assez, c’est assez ! Il ne suffit plus de ne pas se considérer raciste ou de compter le nombre de ses amis Noirs. Il faut rejeter l’idée d’être complice d’un système dont vous avez hérité les privilèges. Il faut se tenir debout aux côtés des gens qui le dénoncent.

Si notre humanité est censée être ce qui nous unit et non la couleur de notre peau, il serait grand temps de passer de la parole aux actes et d’en faire la démonstration. Rien ne sert de s’indigner sur les réseaux sociaux à l’occasion. Il faut des actions concrètes dans votre quotidien et exiger des politiques qui vont mettre un terme à ce «virus» qu’est le racisme. C’est ce que vous pouvez faire en tant qu’allié. Refuser de rester silencieux.

Théorie victimaire

Dernièrement, j’ai été pris pour cible. J’ai reçu un lot de commentaires inqualifiables. Mon crime: avoir codéveloppé une application mobile répertoriant les entreprises détenues par des personnes afrodescendantes pour les aider durant cette période de crise que nous vivons. Pour les adeptes de la théorie victimaire qui m’accusent, sachez que la victimisation place l’individu dans une position dans laquelle il ne peut sortir et bloque donc toute avancée personnelle ou professionnelle.

La victime tend à focaliser sur le passé. Les personnes qui jouent à la victime pensent souvent avoir échoué avant même d’avoir entamé quoi que ce soit. Pendant que vous regardez les statiques sans broncher, d’autres agissent. La meilleure réponse reste l’action. Empowerment est un terme que vous devriez rajouter à votre vocabulaire.

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