Des médecins réclament le masque obligatoire dans les lieux publics fermés
Des médecins, des experts et des épidémiologistes appellent le gouvernement Legault à rendre le port du masque obligatoire dans les lieux publics fermés ou achalandés, ainsi que dans les espaces extérieurs où la distanciation physique est difficile à respecter. Objectif: éviter une deuxième vague «potentiellement mortelle», en attendant l’arrivée d’un vaccin.
«Si on veut réussir cet assouplissement graduel des mesures de confinement, on n’a pas le choix de mettre tout dans la balance. Advenant une deuxième vague, qui est peut-être inévitable, il faut s’assurer qu’elle soit le plus faible possible, pour pas qu’on recommence tout ça à zéro. Ce serait catastrophique», a martelé jeudi l’ancien député solidaire et microbiologiste de profession, Amir Khadir.
Une coalition formée
Une vingtaine de spécialistes au Québec, dont l’ex-présidente de Médecins Sans Frontières, Joanne Liu, et le chef de l’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal, Alain Vadeboncœur, se joignent au mouvement. Dans les dernières semaines, plusieurs élus municipaux ont réclamé le masque obligatoire dans le métro de Montréal. Mais l’administration Plante a préféré le «recommander fortement», tel qu’il est prescrit par la santé publique.
Sans obligation, l’usage du masque dans la population n’est pas assez significatif, selon M. Khadir, pour qui l’État devrait aussi imposer le port du masque dans les écoles, sauf au niveau primaire.
«Jusqu’à 40-50%, ce n’est pas efficace pour protéger l’ensemble de la population, tranche-t-il. On pourrait assurer une forme d’immunité collective seulement si 80% des gens le portaient. C’est ce que nous disent les modèles statistiques.»
«Le temps est mûr pour que ça devienne obligatoire. Tous les sondages le démontrent; les Québécois sont prêts et le porteraient. C’est pour avoir plus de liberté qu’on propose le port du masque.» -Amir Khadir, microbiologiste-infectiologue à l’Hôpital Pierre-Legardeur
«Encore beaucoup trop de souffrance»
La médecin-interniste à l’unité COVID-19 de l’Hôpital Notre-Dame, Marie-Michelle Bellon, abonde dans le même sens. «Bien qu’il y ait une diminution du nombre de patients hospitalisés, j’ai vu encore beaucoup trop de souffrance. J’ai aussi vu des personnes âgées qui dépérissent parce qu’elles ne peuvent pas recevoir la visite de leurs proches», relate-t-elle.
Mme Bellon dit constater, chaque jour, «la détresse du personnel soignant». Elle déplore la «pensée magique» observable depuis le déconfinement, alors que de plus en plus de citoyens délaissent les mesures sanitaires.
«Il faut que mes parents et les vôtres se sentent à l’aise quand ils font l’épicerie. Mais surtout, il faut que le personnel qui se dévoue, et qui met sa santé physique et mentale en danger, ait l’impression que tout est mis en œuvre pour prévenir la deuxième vague.» -Marie-Michelle Bellon, de l’Hôpital Notre-Dame
Pour l’épidémiologiste Nima Machouf, imposer le port du masque dans les lieux publics fermés serait aussi facile à réaliser. «C’est une mesure peu coûteuse, sans risques, et qui peut grandement réduire les chances de contamination lors de contacts contagieux.
«En attendant l’élaboration d’un vaccin, le masque est maintenant reconnu comme un outil essentiel pour retrouver le peu de normalité dans nos vies et renouer avec les gens et les activités qu’on aime», ajoute-t-elle.
La santé publique prudente
Aux yeux du directeur national de santé publique, Horacio Arruda, le port du masque obligatoire est un enjeu à considérer. «Il ne faut pas l’exclure. On va regarder la littérature. Ce sont des opinions d’experts, et on a du respect», dit-il.
Quant à une décision formelle, il faudra toutefois «attendre les différentes autorités canadiennes et québécoises, qui regardent le pour et le contre» d’une imposition du port du masque, ajoute le Dr Arruda.
«Je ne veux pas exclure que ça pourrait être le cas dans une deuxième vague, si on a suffisamment de données ou que les autorités vont dans ce sens-là.» -Le Dr Horacio Arruda
Même son de cloche pour la porte-parole au ministère de la Santé, Marie-Hélène Émond. «Avant de rendre obligatoire le port du couvre-visage et de prendre des mesures qui brimeraient potentiellement la liberté d’autrui, la Direction de la santé publique désire attendre les constats des différentes autorités internationales, canadiennes et québécoises qui se penchent actuellement sur cette question», explique-t-elle.