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Klô Pelgag: la lumière au bout de la traversée

Klô Pelgag devant un fond de verdure après le lancement de son troisième album racontant sa dépression.
L'autrice-compositrice-interprète Klô Pelgag. Photo: Josie Desmarais/Métro

Quiconque a déjà emprunté la route 132 dans le Bas-Saint-Laurent a assurément été saisi par le nom lugubre de ce village annoncé en lettres blanches sur un fond vert: Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Pas une, mais sept douleurs! «Ce nom était omniprésent dans ma tête depuis longtemps, raconte Klô Pelgag, qui en a fait le titre de son troisième album. C’est vraiment évocateur et mystérieux, ça porte à réflexion… Et c’est tellement dark

Dark, sombre, comme le surmenage et la dépression surmontés par l’autrice-compositrice-interprète dans les dernières années. Si NDD7D est d’abord un village au nom sinistre qui la terrorisait dans son enfance, c’est aussi le nom qu’elle a associé à son mal de vivre.

«Ça fait vraiment échos à ce que j’ai vécu à travers la création de l’album, qui est partie d’un endroit assez sombre dans mon imaginaire, dans mes angoisses, dans ma tête», dit-elle de sa voix basse attablée dans un café vide.

Au bout de sa traversée intérieure, elle a trouvé le bonheur. Au bout de la traversée en bateau qui mène à l’île comptant une trentaine d’âmes, elle a découvert un village «idyllique». Deux phares dans sa nuit.

Dans un court métrage racontant la genèse de son album, Klô Pelgag soutient que ses nouvelles chansons lui ont sauvé la vie. «C’est intense comme déclaration! admet-elle en riant. C’est fort, mais c’est ça, pour vrai. La musique, ses chansons et le fait d’être capable de créer m’ont sauvé la vie à de multiples reprises.»

L’artiste parle de la musique comme d’une amie. «Je la vois comme ça, elle est toujours là pour moi», dit-elle en pesant ses mots. D’ailleurs, si elle a appris à chanter et à jouer du piano, c’était dans le but de pouvoir s’exprimer. «Ça n’a jamais été un truc de performance.»

Klô Pelgag s’est affranchie dans la composition et ça s’entend sur cet album pop orchestral dont les textes imagés et poétiques sont lourds de sens. Elle mentionne en exemple la chanson À l’ombre des cyprès, qui malgré son instrumentalisation plus rythmée et ses «ouh-ah-ouh-ah» en début de parcours, traite de suicide.

«C’est une toune de libération, explique-t-elle. En nommant les trucs, on dirait que la narratrice – qui est moi – se rend compte de ce qui ne va pas. Et ce qui ne va pas, c’est la peur et l’angoisse. Ton propre ennemi, c’est toi-même.»

Désormais sortie de ce trou noir, Klô Pelgag souhaite ne plus jamais y retourner. C’est ce à quoi elle fait allusion lorsqu’elle chante : «Je ne reviendrai pas à la maison jaune» sur l’avant-dernier titre de son album, la maison jaune étant une référence à l’univers de Van Gogh, tourmenté peintre dont elle admire l’œuvre.

«C’est un album qui a vraiment été important pour moi, qui m’a tellement appris, qui m’a accompagnée, qui m’a reconstruite.» – Klô Pelgag

La lauréate de plusieurs Félix parle de tout ce vécu avec douceur et recul. Mais le bonheur est «un combat de tous les jours», dit-elle. Sur NDD7D, elle aborde à deux moments l’idée de se «battre pour la paix» : sur la chanson J’aurai les cheveux longs et dans un message inscrit dans la pochette.

«Je me suis souvent complu dans la tristesse et je connais beaucoup de gens comme ça, avance-t-elle. C’est correct d’être triste et de vivre des affaires difficiles, mais à un moment donné, il faut se botter le cul et se battre pour aller mieux… Je sais que c’est difficile et qu’il y a des gens qui se battent et qui n’y arrivent pas.»

Encore une fois, elle étaye son propos en citant en exemple une chanson de son album, la dansante et inquiétante Mélamine. «Mélamine, c’est comme pleins de personnes, mais c’est aussi moi d’une certaine façon. Ça parle de tous ces moments où j’ai voulu être quelqu’un d’autre parce que j’avais l’impression que c’était plus facile pour eux. Quand on est triste, on a l’impression d’être plus triste que les autres, c’est con!» dit-elle en riant.

«J’avais envie d’exploser!»

Avant d’écrire cette collection de chansons, Klô Pelgag avait l’intention de créer un album simple au style épuré. Elle a finalement enrobé ses compositions de grandioses arrangements orchestraux chargés d’émotions fortes. «J’avais envie d’exploser!» lance-t-elle pour justifier son virage à 180 degrés.

Cette explosion symphonique enrichit et ajoute de la profondeur aux 12 morceaux de NDD7D. L’autrice-compositrice-interprète compare ces textures musicales à des voix. «Je suis arrivée à un moment où je les entendais. Mes musiciens m’ont poussé à les mettre en musique. Ils m’ont dit : “Vas-y, t’es capable”.»

Ces musiciens, ce sont Sylvain Deschamps (également coréalisateur de l’album), Pete Pételle, François Zaïdan et Étienne Dupré. Elle prend soin de les nommer en entrevue, car elle est infiniment reconnaissante de «la collaboration extraordinaire» qui s’est formée avec eux.

«C’était les personnes parfaites pour rendre ce que je voulais, ça a été une communion musicale, ajoute-t-elle. Ce sont des gens super impliqués, généreux, qui ont beaucoup d’écoute et qui ne mettent pas leur ego de l’avant, ce qui existe en musique!» assure-t-elle.

Encouragée par leurs bons soins, elle a conçu les arrangements de La maison jaune, Rémora et Où vas-tu quand tu dors – une chanson onirique qui déplore le fait qu’en vieillissant, on ne rêve plus. «J’ai vraiment, vraiment aimé ça, même si je l’ai fait sans prétention parce que je n’ai pas étudié l’orchestration dans ma vie.»

Klô Pelgag a aussi beaucoup expérimenté en studio notamment avec des synthétiseurs et des logiciels d’enregistrement. «C’est un peu contre nature pour moi, parce que je suis super instinctive dans ma façon de faire de la musique, explique-t-elle. Il a fallu que j’apprenne de la technique, que je me botte le cul, parce que je savais que ça allait m’amener des outils qui m’aideraient à faire quelque chose de différent, et c’est ce que ça a fait. J’ai beaucoup appris à ce niveau.»

Sachant bien s’entourer, elle a aussi fait appel au réputé compositeur Owen Pallett pour habiller trois autres titres : À l’ombre des cyprès, J’aurai les cheveux longs et Soleil. «Je voulais le regard de quelqu’un d’autre sur ces tounes. C’était un peu un rêve de travailler avec Owen. On a un truc en commun lui et moi… “Aaaaaah!”, s’exclame-t-elle en gesticulant. On n’est pas dans la simplicité!»

NDD7D est loin de l’album minimaliste qu’elle souhaitait faire au départ, ce qui ne l’empêche pas d’adopter la formule piano-voix sur la bouleversante chanson La fonte, dans laquelle elle s’adresse à son père récemment décédé.

Vous l’aurez compris, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est une œuvre très personnelle. «C’est mon album le plus transparent et brut dans le propos», dit-elle après avoir pris le temps d’y réfléchir.

De sa traversée, Klô Pelgag est ressortie grandie. «C’est quelque chose qui m’a construit, comme un passage obligé. Je suis contente d’être passée par là, même si ça a été vraiment, vraiment difficile.»

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