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«Soft Power»: le tour du monde rythmé du DJ Poirier

Le producteur et DJ Poirier portant une casquette devant un fond de verdure pour la sortie de son album Soft Power.
Poirier sort un nouvel album cet été. Photo: Josie Desmarais/Métro

À défaut de pouvoir s’envoler vers d’autres contrées cet été, le nouvel album de Poirier, Soft Power, nous permet de faire un exaltant tour du monde en chansons. Plus précisément, le producteur et DJ nous fait voyager au Brésil, au Mozambique, en Mauritanie, au Mexique, en Jamaïque et en Haïti, toujours avec une bonne dose de groove.

«Pour moi, ce disque est résolument québécois, même s’il n’y a aucune chanson en français ni en anglais, lance Poirier, Ghislain de son prénom. C’est une affirmation de ce qu’est la musique au Québec en 2020.»

Puisqu’il ne chante pas – «Pas pour l’instant! Il ne faut jamais dire jamais apparemment!» rigole-t-il – le producteur a de nouveau fait appel à des chanteurs aux bagages musicaux variés pour créer. Parmi eux, Flavia Coelho, Boogát, Samito, Daby Touré et Mélissa Laveaux, qui chantent respectivement en portugais, espagnol, wolof et créole.

Cette musique métissée, ensoleillée et vivifiante arrive dans nos oreilles juste à temps pour le solstice d’été. Sa «pop sans frontières», comme la qualifie Poirier, est un heureux mélange d’électro, de compas, de dancehall, de bossa-nova de rap latino, de zouk et de house qui se prête à toutes les circonstances, que ce soit pour danser en soirée ou pour accompagner une journée de travail.

«C’était ma mission, donc tu me dis que j’ai réussi ma mission avec toi! lance-t-il tout sourire lorsqu’on lui partage cette observation. Je voulais que ce soit un album qui accompagne les gens. Qu’on puisse l’écouter à la maison aussi bien pour chiller, faire la vaisselle ou le ménage que pour recevoir du monde dans sa cour. Et, bonus: si ça fait danser, tant mieux.»

Le titre Soft Power fait notamment référence au tempo plus lent de ce disque par rapport aux rythmes effrénés auxquels nous a habitués Poirier par le passé. «En tant que producteur, j’ai voulu prendre un petit pas de côté. Les chansons sont fortes, je n’ai pas besoin d’en rajouter par-dessus pour que ce soit encore plus convaincant», explique-t-il.

Sa musique reste néanmoins festive et énergisante, à l’image des thèmes mobilisateurs et porteurs d’espoir abordés dans les paroles. En ce début de déconfinement, c’est galvanisant à écouter, lui dit-on. «Écris ça, j’aime ça! lance-t-il en éclatant de rire. Je suis vraiment content!» Voilà qui est fait.

«On vivait déjà dans un monde très régulé. Avec la pandémie, il est encore plus fermé qu’avant. Dans ce contexte, je trouve super important que la musique puisse faire fi des frontières.» – Poirier

Des diagrammes de Venn

Dans la pochette de son album, le DJ remercie ses proches d’avoir «enduré» ses «doutes et autres montagnes russes émotionnelles» pendant sa création. Si Poirier a consacré plus de deux ans à Soft Power, c’est parce qu’il cherchait à atteindre un parfait équilibre.

Il détaille sa vision en gesticulant avec les doigts. «C’est comme si tu prenais un diagramme de Venn avec quatre cercles. Je voulais que ce soit écoutable à la maison, mais – oh! – que ça fasse danser; trouver le petit territoire entre les deux. En même temps… C’est même six cercles, esti! constate-t-il en riant. Je voulais aussi qu’il soit grand public et pop, mais que les références soient nichées. Que ce soit accessible, mais que quelqu’un qui connaît vraiment la musique voit que je n’ai pas pris de raccourci.»

Dans son élan, il poursuit: «Je voulais aussi qu’il y ait une jonction entre le vieux et le nouveau. Il y a des chansons là-dessus qui auraient pu être faites il y a 20 ans. Je voulais que ce soit intemporel, mais en même temps, je voulais que ça s’inscrive avec ce qui se passe en ce moment, parce que la musique est une conversation.»

Bref, Poirier cherchait le juste milieu entre toutes ces zones, et il l’a trouvé. «C’est un chemin délicat. Quand j’écoute l’album, je suis satisfait. Est-ce que les autres vont le percevoir ou le recevoir comme ça? Comme ils disent: Inch’Allah!» dit-il dans un grand éclat de rire.

Autre accomplissement de Poirier avec Soft Power: malgré ses influences musicales hyper variées, un fil conducteur relie chacun des 12 titres pour former un tout cohérent. «Ça, c’est comme de la magie! s’exclame-t-il, toujours aussi enthousiaste. Chaque chanson est comme un mini chapitre. Je les ai arrangées et placées dans l’ordre pour raconter cette grande histoire.»

Sans imposer de consignes à ses collaborateurs, Poirier leur a fait part de l’ambiance, de «la vibe» qu’il cherchait à transmettre avec cet album. «On revient au diagramme de Venn, dit-il au sujet de ces échanges. En se rencontrant, on est entré dans une belle zone d’où on a pu créer quelque chose qu’on n’aurait pas fait chacun de notre côté.»

Force tranquille

En plus de référer à la force tranquille de ses chansons, le titre Soft Power renvoie au concept politique du même nom selon lequel on peut avoir une influence ou un impact social par toutes sortes de moyens, dont la musique.

«La musique peut faire changer les mentalités, assure-t-il. J’ai toujours vu la musique, et encore plus la mienne, avec ma démarche, comme un pont entre les cultures et les communautés.»

La soirée mensuelle Qualité de luxe qu’il animait au Groove Nation avec Kyou avant la fermeture des bars correspond en tout point à cette vision. «La musique est un truc invisible qui nous fait réagir. C’est quelque chose de tangible et d’intangible en même temps. Il y a beaucoup de force là-dedans.»

Cette force tranquille, elle s’applique aussi à la personnalité de Poirier, un des artistes les plus détendus qu’on a rencontré. Lui qui est habitué à voyager partout dans le monde dans le cadre de son travail et qui a vu plusieurs de ses engagements estivaux être annulés, notamment au Piknic Électronik et aux Jardins Gamelin, ne semble pas du tout affecté par le confinement.

«Ça ne me dérange pas, honnêtement. Ça ne m’empêche pas de créer de la musique, ce qui est ultimement la chose la plus importante pour moi», dit celui qui a profité du calme des derniers mois pour lire plusieurs essais, dont la biographie de Grace Jones et Losing My Cool de Thomas Chatterton Williams.

Chose certaine: vous ne le verrez pas donner des performances sur les réseaux sociaux d’ici la réouverture des bars. «Fuck that! lance-t-il avec aplomb. Jouer en DJ, c’est être en communication avec les gens. Il y a une vibe, cette chose invisible. Les gens dansent, ça m’inspire, je passe un moment avec eux. Je ne peux pas vivre ce moment chez moi… Et je ne veux pas que les gens voient de quoi ça a l’air chez moi!»

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