Évictions: des propriétaires envisagent d’aller en cour contre des règlements d’arrondissements
Plusieurs propriétaires montréalais envisagent d’aller en cour pour contester des projets de règlements qui visent à réduire le nombre d’évictions de locataires justifiées par des travaux de rénovation d’un logement, a constaté Métro.
Sept arrondissements de la métropole, dont le Plateau-Mont-Royal et le Sud-Ouest, ont entamé dans les derniers mois un processus de consultation virtuelle concernant des projets de règlements visant notamment à interdire les divisions et agrandissements de logements, sauf exceptions.
Ces projets de règlements, qui diffèrent d’un arrondissement à l’autre, partagent néanmoins des objectifs communs. Ils visent notamment à limiter la réduction du parc locatif dans les quartiers centraux et à éviter que des propriétaires obtiennent des permis de rénovation dans le but d’évincer leurs locataires afin d’augmenter ensuite le loyer. Les arrondissements concernés appliquent d’ailleurs déjà un gel sur les demandes de permis qui concernent ces projets de règlements, dont l’adoption officielle devrait avoir lieu cet automne.
Contestation judiciaire
«On instrumentalise l’économie de Montréal à des fins politiques et en plus, on est en train de créer un préjudice [aux propriétaires]», laisse tomber le Montréalais Jean-François Tremblay. Ce dernier fait partie d’un groupe de propriétaires qui a fondé la Coalition pour la qualité des logements à Montréal (CQLM). Celle-ci a lancé le mois dernier une levée de fonds en ligne qui lui a permis d’amasser près de 14 000$ jusqu’à maintenant.
Cette somme a déjà permis au regroupement de mandater des firmes spécialisées en droit et en urbanisme afin d’analyser la validité et la légalité de ces projets de règlement, explique M. Tremblay. Le regroupement espère ainsi avoir les munitions nécessaires pour contester ceux-ci devant la cour, dans l’éventualité où ils seraient adoptés tels quels. La coalition tenterait alors d’obtenir une suspension de ces règlements le temps que le tribunal tranche sur leur validité.
«Ce qu’on veut, c’est d’avoir un dialogue», assure toutefois M. Tremblay, qui espère ne pas avoir à se rendre en cour pour amener les arrondissements à réviser cette réglementation.
Les familles écopent
Dans les dernières semaines, plusieurs groupes de propriétaires se sont unis sur les réseaux sociaux pour faire part de leur opposition au projet de règlement de leur arrondissement. Parmi eux, on compte Hugo Levasseur. Le père de famille possède un duplex dans Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension que lui et sa femme souhaitent convertir en maison unifamiliale depuis un bon moment.
Ce projet d’agrandissement est toutefois «tombé à l’eau» en raison des démarches de l’arrondissement. Le couple, qui planifie d’avoir un deuxième enfant, se retrouve donc dans une impasse.
«On sait qu’avec la COVID, on travaille tous de la maison et on a besoin de plus d’espace […]. C’est une injustice totale», soupire M. Levasseur, qui est à l’origine d’une pétition contre le projet de règlement.
«Il devrait y avoir place, selon moi, pour une contestation judiciaire, que ce soit par un recours collectif ou un autre moyen.» -Hugo Levasseur, propriétaire
Les droits des propriétaires
Contactée par Métro, l’avocate spécialisée en droit de la copropriété Marie-Cécile Bodéüs confirme qu’un article du Code civil du Québec prévoit qu’il est dans le droit des propriétaires de procéder à des évictions afin de rénover ou de modifier la taille d’un logement. Les propriétaires des arrondissements en question subissent donc un «préjudice», indique-t-elle.
«Le problème, c’est qu’il y a aussi beaucoup de familles locataires qui n’arrivent pas à se loger à Montréal», réplique la porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain, Véronique Laflamme.
«L’urgence d’agir a été tristement démontrée le 1er juillet, alors que 280 ménages se sont retrouvés sans logements», souligne pour sa part le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui veut s’attaquer à la «crise du logement» dans la métropole.
Le cabinet précise d’ailleurs que les sept arrondissements ont rédigé ces projets de règlements à la suite d’analyses effectuées «bien avant la pandémie». Il souligne également que ceux-ci ont respecté dans les derniers mois le décret du gouvernement du Québec, qui permet la tenue de consultations virtuelles.