La commission Charbonneau et ses vidéos muettes
Depuis deux jours, la commission Charbonneau fait visionner de nombreuses vidéos au témoin Nicolo Milioto où on l’aperçoit notamment remettre de l’argent au clan Rizzuto. Quel est le but de ces transactions? Le témoin affirme qu’il ne s’en souvient plus.
Si une image vaut mille mots, il peut être difficile de «forcer» la mémoire de M. Milioto à reprendre du service, puisque ces bandes sont muettes.
Pourquoi n’y a-t-il pas de son sur ces enregistrements? Les vidéos proviennent de la GRC et ont été récoltées au cours de l’opération Colisée, qui visait le crime organisé traditionnel à Montréal, entre 2002 et 2006. Les enquêteurs avaient installé des caméras et des micros dans le quartier général des Rizzuto. Cette pratique est toutefois encadrée et limitée. Les enquêteurs n’étaient pas autorisés à «aller à la pêche».
«Les limites étaient que l’écoute ne pouvait être active. On pouvait enregistrer seulement si une des personnes nommées dans l’affidavit d’écoute (NDLR: déclaration écrite, faite sous serment), était présente sur le lieu. Donc, s’il y avait des gens qui n’étaient pas nommés dans l’affidavit, on n’enregistrait pas», avait expliqué le caporal de la GRC, Sebastiano Vinicio, qui avait témoigné devant la commission Charbonneau le 25 septembre dernier.
Bref, les enquêteurs enregistraient lorsque des personnes d’intérêt se trouvaient au Consenza. Il faut préciser que l’enquête ne visait ni l’industrie de la construction ni les entrepreneurs.
«Le mandat premier était de déstabiliser le crime organisé italien en ciblant des infractions particulières comme des infractions d’ordre fédéral, du trafic de stupéfiants et d’autres qui ont déjà été nommées. [Enquêter sur la collusion et la corruption dans] la construction n’était pas le mandat premier de l’opération Colisée», avait précisé la caporale de la GRC, Linda Féquière, qui avait témoigné le même jour.
Par ailleurs, en quatre années d’enquête, la GRC a récolté 35 000 heures d’enregistrements et intercepté 1,8 million de conversations orales en 14 langues différentes, dont un dialecte sicilien, qui n’est pas enseigné dans les écoles.
«Ça nous a causé plusieurs ennuis, évidemment, parce qu’un dialecte ça peut être ouvert à l’interprétation. On a quand même réussi, certains de mes collègues et moi, à tout traduire», avait précisé M. Vinicio.
À cela s’ajoutent les difficultés techniques, comme lorsque plusieurs personnes se trouvaient dans la pièce. Il était difficile de bien entendre les paroles de chacun. «Une session d’enregistrement de 20 minutes pouvait prendre entre deux, trois jours à une semaine, voire plus à produire en mot à mot», avait expliqué le caporal.