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Montréal-Nord: se serrer les coudes en zone rouge

Montréal-Nord: se serrer les coudes en zone rouge
La brigade des anges gardiens sillonnait les rues du quartier au cours de l’été. Photo: Gracieuseté/Hoodstock

Mars 2020. La première vague de la COVID-19 commence à déferler sur le Québec. Les semaines suivantes seront critiques pour Montréal-Nord, un quartier qui deviendra l’épicentre de la pandémie au pays. Retour sur une crise sanitaire qui a amplifié la détresse sociale, mais qui a aussi renforcé la solidarité communautaire.

«Notre grande inquiétude, c’est qu’on savait que les organismes étaient déjà sous financés et que les services allaient être réduits. On représente le seul recours pour une bonne partie de la population», affirme Ricardo Gustave, chargé de mobilisation chez Paroles d’excluEs.

Devant l’urgence, de nombreux acteurs locaux entrent dans une course contre la montre pour rejoindre la population. Tout porte à croire que les difficultés déjà bien présentes dans le secteur vont s’exacerber.

«On s’est rendu compte qu’il fallait faire vite, car les gouvernements étaient trop lents à réagir. On s’est supporté entre organismes», affirme Cassandra Exumé, coordonnatrice générale d’Hoodstock.

Malheureusement, avec ses secteurs parmi les plus densément peuplés et plus défavorisés au Canada, Montréal-Nord n’évite pas les ravages du virus. Les appréhensions des organismes communautaires se réalisent, malgré leurs efforts.

Dans les mois qui suivent, l’arrondissement devient le quartier le plus touché de la province. Un taux de 9 305 cas pour 100 000 personnes, soit un peu plus de 9% de la population, confirme sa place au sommet du triste palmarès.

Le bilan aurait pu être bien pire, plaide la députée de Bourassa-Sauvé, Paule Robitaille: «Grâce à l’esprit d’initiative et leur créativité, les organismes communautaires ont réussi à faire une grosse différence malgré leurs petits moyens. Le défi, c’était de rejoindre la population».

Fracture

Au Provigo du boulevard Léger, des nord-montréalais font la file. Un camion porte-voix, munis d’haut-parleurs, sonne l’alarme : «On entre dans une période cruciale, la seule manière de battre le virus, c’est de suivre les consignes». Au printemps 2020, tout le Québec est en état d’alerte, mais ici, l’information voyage différemment, et parfois, pas du tout.

Présage des temps éprouvants à venir, l’initiative s’inscrit parmi les multiples interventions du milieu communautaire qui a cherché à sensibiliser la population tout au long de la pandémie.

Les citoyens défavorisés du quartier nord-est, déjà au combat sur plusieurs fronts, ne pouvaient se douter du danger qui les guettait au mois d’avril. Paule Robitaille, qui était bord du camion porte-voix, peut en témoigner.

«Avec la fracture numérique, il y a quelque chose de très spécifique à ce quartier. Il fallait aller au-delà d’internet, plusieurs n’avaient pas les moyens d’écouter les points de presse comme le reste de la province», plaint-elle.

Débrouillardise

Incapable de patienter une seconde de plus pour l’aide gouvernementale, Hoodstock a distribué des trousses sanitaires aux citoyens contenant, entre autres, des gants, des masques et «l’arc-en-ciel des ressources».

Cassandra Exumé, qui a sillonné les rues de l’arrondissement avec sa «brigade d’anges gardiens» au cours de l’été, se rappelle très bien de l’enthousiasme des citoyens à leur arrivé.

«On parlait aux gens sur leurs balcons, dans les parcs. Ils étaient si contents de pouvoir se confier à quelqu’un, qu’on s’informe de leurs besoins», affirme-t-elle.

À la suite d’un sondage mené auprès de 4948 résidents de Nord-Est, Hoodstock révélait que 92,3% des répondants ayant contracté le virus n’avaient reçu aucun soutien à la suite de leur diagnostic.

Dans un souci de favoriser l’accès à l’information, l’organisme a distribué des ordinateurs portables ainsi qu’un accompagnement en soutien technique aux personnes dans le besoin avec son programme ÉQUITAB.

Cri du coeur

Les acteurs locaux interpellés considèrent toutefois qu’un grave manque d’investissement paralyse le secteur qui souffre des mêmes problématiques depuis des années.

«Je ne vois pas ce qui peut se passer de plus pour qu’on se rende compte que la communauté ici est vulnérable. Il faut les équiper, les soutenir, faire en sorte que nos organismes aient les moyens de leurs ambitions», affirme la mairesse Christine Black.

«Les familles sont souvent dans des logements petits, surpeuplés et intergénérationnels. Leur situation est précaire, les restrictions sont inégalitaires […] la réalité n’est pas la même», déclarait Marie-Ève Lemire, dans une conférence de presse Comité logement de Montréal-Nord avec Hoodstock.

Violences, promesses et exaspération

Voilà un an que la pandémie fait des ravages dans l’arrondissement de Montréal-Nord, 321 personnes ont succombé au virus au moment d’écrire ces lignes.

Cette dernière année, le «phénomène» Montréal-Nord est devenu un incontournable dans les  grands médias québécois qui ont examiné au peigne fin les enjeux récurrents de violence, de racisme, d’inégalités et de santé. La population locale, cependant, est exaspérée d’être dépeinte constamment de manière négative, plaident des organismes.

«C’est comme si on était un safari, les médias viennent que pour le négatif. Mais après, les retombées promises dans le quartier ne viennent jamais. On ne peut pas en demander autant aux citoyens», affirme Maya Sakkal de Paroles d’excluEs.

Si des investissements d’urgence ont finalement atteint certains organismes, notamment pour combler la demande de dépannage alimentaire, l’inquiétude demeure pour la suite des choses.

«Ça m’inquiète, car je crois que bientôt on va retourner à la normale pour le financement du communautaire. Aujourd’hui, nos organismes sont à bout de souffle et les besoins vont perdurer bien après qu’on aura enlevé nos masques», conclut Paule Robitaille.

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