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De plus en plus de résidents de l’Est en attente d’un médecin de famille

Gisèle Huard, 77 ans, attend un médecin de famille depuis près de trois ans. Photo: Coralie Hodgson/Métro Média

Comme ailleurs au Québec, le nombre de personnes en attente d’un médecin de famille a bondi dans l’est de Montréal depuis 2018. Une tendance qui s’est nettement accélérée depuis le début de la pandémie.

Voir un médecin est «l’enfer» pour Gisèle Huard depuis le début de la pandémie de COVID-19. «Là, je cours de tous les bords et je n’en ai pas [de rendez-vous]», raconte la résidente de Pointe-aux-Trembles âgée de 77 ans.

Prendre soin de sa santé serait plus facile si elle avait un médecin de famille. Or, elle en cherche un depuis bientôt trois ans. Et elle est loin d’être la seule.

Selon les statistiques du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, 52 554 personnes de son territoire sont inscrites au Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF). C’est une augmentation d’environ 34% depuis 2018.

À l’échelle de la province, les données sont inquiétantes. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), 903 743 Québécois étaient en attente d’un médecin de famille le 31 octobre 2021, une hausse vertigineuse de 111% depuis le 31 mars 2018.

Un phénomène amplifié pendant la pandémie

Les inscriptions au GAMF dans l’est de la métropole ont atteint «des niveaux sans précédent» ces derniers mois, selon le porte-parole du CIUSSS Christian Merciari. Une tendance que confirme le MSSS.

La Dre Stéphanie Gougoux, coordonnatrice médicale pour le Réseau local de services (RLS) de Rivière-des-Prairies, Anjou et Montréal-Est au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, explique qu’avant mars 2020, les médecins de l’est avaient commencé à inscrire plus de patients que le GAMF en enregistrait. Or, la crise sanitaire a changé la donne: les médecins ont dû réduire de manière draconienne les nouvelles prises en charge.

«On a un retard de presque 18 mois à récupérer […] donc malheureusement, on est en 2021, et les prochains patients attribués sont enregistrés depuis 2018.»

Des patients frustrés

Il n’a pas été difficile d’obtenir des témoignages de résidents de l’est de Montréal en attente d’un médecin depuis deux, trois, voire six ans. C’est une situation qu’ils qualifient tour à tour de «scandaleuse», d’«injuste» et de «décourageante». Plusieurs n’ont pas eu d’examen annuel depuis des années. Ils peinent à voir un professionnel sans rendez-vous, notamment via Bonjour-santé, et quand ils en ont, ils déplorent le fait qu’ils doivent réexpliquer leur historique de santé à «un inconnu».

Catherine Miron, 41 ans, habite Tétreaultville. Elle attend un médecin depuis 6 ans. Elle a abandonné l’idée de faire une mammographie en raison de la complexité de l’accès aux services en clinique sans rendez-vous. Roxanne Dauphinais a pour sa part recours à Google pour diagnostiquer elle-même ses maux depuis trois ans.

Florence Muratet réside au Québec avec un permis de travail depuis quatre ans. Les soins au privé sont trop chers et elle pense quitter la province. «Quand mon fils de 5 ans a eu le croup, j’ai dû faire appel à un médecin de famille que j’avais en France. Ce n’est pas normal.»

Pour le Dr Mark Roper, directeur des soins de première ligne au Centre universitaire de santé McGill, cette situation est «inacceptable» au Québec. Il rappelle que le médecin de famille a un rôle important «de prévention primaire, de diagnostics rapides et de traitement efficace. Ce n’est pas suffisant d’avoir accès à une clinique de walk-in pour la première ligne».

La littérature scientifique démontre d’ailleurs qu’ajouter un médecin de famille pour 10 000 habitants est associé à une réduction moyenne de la mortalité de 5,3%, notamment parce que le médecin de famille diagnostique les symptômes plus tôt. Ce type de soin entraîne également une diminution du nombre d’hospitalisations et de frais associés aux soins, souligne-t-il.

Québec mise sur le projet de loi 11

Le député libéral de LaFontaine, Marc Tanguay, exige l’ajout de médecins dans Rivière-des-Prairies depuis des années. Il déplore l’augmentation du nombre de Québécois sur une liste d’attente depuis 2018. «Quand la CAQ est arrivée au pouvoir, on avait environ 500 000 Québécois qui étaient sur la liste attente pour un médecin de famille. […] Tout indique que d’ici la fin du mandat ce sera un million.»

La députée de Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, rétorque par courriel que «les quinze dernières années passées au pouvoir du PLQ sont un cumul d’échecs et de promesses rompues pour les Québécois en attente d’un médecin de famille».

Reconnaissant que le statu quo est inacceptable, elle évoque que son parti pourra redonner aux gens «confiance d’avoir un médecin de famille comme ils y ont droit» avec le dépôt récent du projet de loi 11 visant à améliorer l’accès aux médecins de famille.

Québec compte notamment sur la mise en place du Guichet d’accès aux soins de première ligne (GAP), un service qui devrait être mis en service progressivement d’ici le printemps prochain.

Cette initiative est vue d’un bon œil par la Dre Gougoux. «Ce n’est pas une fin en soi. Mais entre-temps, ça permet que la santé d’une personne ne se détériore pas pendant l’attente.»

Rappelant que Montréal a le taux d’adhésion aux médecins de famille le plus bas au Québec, à l’exception du Nunavik et des Terres-Cries-de-la-Baie-James, elle indique croire que le problème d’accès aux médecins est également lié aux nombreux médecins allant à la retraite, la pénurie de main-d’œuvre et le besoin de revaloriser la médecine familiale dans le discours politique.

À l’instar de Dr Mark Roper, elle croit que le mode de répartition des médecins de famille sur le territoire doit être revu par le MSSS.

Quelques chiffres

La Coalition avenir Québec avait promis un médecin de famille à chaque Québécois qui le souhaitait d’ici la fin de son premier mandat. L’objectif a été abaissé à 85% pour 2023.

En 2020, 81,4% des Québécois avaient un médecin de famille.

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